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lavent, font la cuisine, élèvent des animaux de basse-cour. Il y en a qui travaillent aux mines, et parmi celles-là quelques-unes se distinguent par un costume commode, et qui n’est pas dénué d’élégance ; il consiste en un chapeau où flotte un large ruban, et en un justaucorps assez semblable à celui que portent les amazones. Il ne faudrait pas croire en effet que les femmes qui se sont condamnées à cette rude existence aient banni toute coquetterie. Le dimanche, jour de repos général, on en voit revêtues de costumes qui, dit un des visiteurs de Bendigo, ne seraient pas déplacés dans les promenades de Londres ; les mantelets, les chapeaux, les ombrelles, ne font pas défaut. Ainsi parées, elles vont et viennent dans les longues rues que forme l’alignement des tentes, ou s’assoient à la porte de leurs demeures avec leurs enfans, car il y a là nombre de familles au grand complet. Les hommes, le dimanche, réparent leur cabane ou leur tente, s’exercent à divers jeux, fument ; d’autres vont aux offices religieux. Tout le long du chemin, sur les arbres à gomme, sont placardées des affiches indiquant que tel jour, à telle heure, les ministres de telle ou telle communion prêcheront un sermon ou célébreront un office. En effet, dans cette foule d’hommes de tous les pays, la plupart des cultes sont représentés. Des églises en toile, en bois, rarement en pierre, spécimens d’architecture simple et primitive, se dressent parmi les huttes et les tentes ; des ministres des mille sectes protestantes sont installés le moins mal possible avec leur famille ; ils se livrent à toute sorte de petits travaux en dehors de leurs fonctions sacerdotales, et de temps en temps prêchent un sermon dont le texte est presque toujours le mépris des richesses, les mauvais effets de la cupidité, et les désastreux résultats d’une poursuite trop ardente des biens de ce monde.

Avec leurs églises, les mines ont aussi leurs théâtres. En 1855, à celui du district de Creswick, vaste hangar recouvert de toile, le prix des premières places était de 5 shillings, et celui des secondes de moitié. Un commissaire des mines, qui assistait alors à une représentation, affirmait que, vu le lieu et les circonstances, il n’y avait pas trop à se plaindre de l’exécution. Quant aux débits de liqueurs, ils avaient été prohibés tout d’abord dans les districts aurifères, si bien que les mines étaient à peu près le seul endroit du Victoria où régnât la tempérance ; mais les débits clandestins s’étaient établis en si grand nombre, malgré la pénalité rigoureuse qui les condamnait aux flammes, qu’il a bien fallu en venir à tolérer l’introduction des spiritueux. Financièrement, la colonie n’y a pas perdu : les droits prélevés sur les vins et liqueurs dans tout le Victoria s’élèvent au chiffre énorme d’un demi-million de livres.

Toutes les mines ont leurs papiers périodiques qui les tiennent au courant des découvertes et des progrès de l’exploitation. La feuille