terre bouleversée, les trous creusés et délaissés attestaient le nombre des recherches infructueuses. Mal récompensés de leur peine, ceux qui ne se décourageaient pas devaient transporter plus loin leur tente, et c’est ainsi que le rayon du terrain exploré s’allongeait toujours. En quittant le centre d’exploitation, le groupe de travailleurs jouissait d’un air plus pur, mais il trouvait moins de ressources pour les nécessités quotidiennes de la vie, car l’Australie est pauvre en fruits et en productions naturelles. Les fourmis, les mouches, les serpens, des scorpions, des vers aux mille formes bizarres, toute cette hideuse population du continent le plus riche en insectes livrait au mineur vagabond une guerre de tous les instans. Celui-ci, son bagage sur le dos, la pioche et les outils dans une main, devait de l’autre tenir le revolver, car les voleurs et les assassins, conviés par le désordre, étaient venus de tous les bouts du monde à ces saturnales de l’or.
Dans les grands campemens de mineurs, ce n’étaient que disputes et rixes sanglantes entre des hommes de toutes les nationalités et de toutes les langues. Quelquefois ils se battaient faute de pouvoir s’entendre ; ce n’étaient que jalousies, usurpations, substitution de la force au droit. En outre, dans les premiers temps, une haine, qui s’est en partie apaisée depuis, divisait la population des mines en deux camps bien distincts, — les mineurs et les marchands. Les premiers, qui avaient de beaucoup le plus de peine, étaient souvent loin d’être les mieux récompensés. Le meilleur de leurs profits s’en allait, emporté par les nécessités de chaque jour ; les moindres denrées avaient acquis un prix énorme, qui s’augmentait continuellement avec le nombre des nouveaux arrivans. Les mineurs criaient donc à l’exploitation, et ne voulaient pas admettre que des hommes qui n’enduraient pas les mêmes fatigues qu’eux fissent de plus sûrs profits. Toutefois, en ce temps même, il y eut aux mines des bonnes fortunes remarquables. Sous ce rapport, 1852 fut une année notable ; la quantité d’or arrachée à la terre fut plus considérable cette année, où le chiffre des travailleurs n’était pas encore arrivé aux folles proportions qu’il a atteintes depuis, que dans aucune des années suivantes. En 1853 et 1854, la somme de l’or extrait diminua de beaucoup, bien que le nombre des mineurs fût doublé et triplé ; aussi est-ce durant cette période que le désordre parvint à son comble.
Le droit exigé des mineurs par le gouvernement colonial à titre de licence fut surtout pendant longtemps une continuelle occasion de griefs et de troubles. Les fameuses mines de Ballarat, situées à soixante-dix-huit milles seulement de Melbourne et à soixante de Geelong, avaient attiré par leur proximité et leur richesse un nombre considérable de mineurs. À plusieurs reprises, elles furent le théâtre