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doute de laisser mettre en question la sincérité du respect qu’il porte aux traités, et un discours impérial ne peut entrer dans le détail des problèmes divers soulevés par la situation de l’Italie. Aussi l’empereur s’abstient-il avec raison de parler des traités, et se contente-t-il de signaler le trait saillant de la condition anormale de l’Italie, la nécessité d’y maintenir l’ordre par des troupes étrangères. Néanmoins la fidélité de la France aux règles du droit public européen et les sympathies que nous devons à la malheureuse Italie sont exprimées avec élévation dans ces mots : « Je resterai inébranlable dans la voie du droit, de la jljstice, de l’honneur national ! » Les dispositions pacifiques se manifestent avec dignité dans cette phrase : « Ma politique n’a pas cessé un instant d’être la même : ferme, mais conciliante. » Enfin il n’est pas jusqu’à la forme même du discours, jusqu’au ton d’argumentation animée qui y règne, et qui a justement frappé l’attention publique, qui ne confirme avec une force singulière l’effet de ces déclarations rassurantes. L’on dirait que l’empereur s’adresse, pour les réfuter, à des incertitudes et à des objections inexprimées, et qu’il est surpris et peiné que sa véritable politique n’ait point été pressentie et devinée. Ici même il nous semble que les plaintes de l’empereur ne s’adressent pas toutes à la France, et que quelques-unes doivent retomber sur les exagérations de l’opinion étrangère. Chez nous, l’opinion dans ses inquiétudes n’a été coupable que du péché d’ignorance : nous ne voudrions pas croire qu’elle fût allée jusqu’à l’effroi. La perspective d’une guerre juste et nécessaire, quelque douloureuse qu’elle puisse être pour de respectables intérêts, n’effraiera jamais personne dans notre pays, et en une telle conjoncture le courage de la masse du peuple sera celui de la nation tout entière.

Nous arrivons aux actes du Piémont. Ceux-ci, nous le reconnaissons, ne sont point aussi rassurans que les débats parlementaires anglais et que le discours de l’empereur. Le Piémont, nous l’avons expliqué à plusieurs reprises, ne peut invoquer efficacement devant la conscience de l’Europe, dans sa lutte avec l’Autriche, qu’un seul intérêt et un seul droit, le droit et l’intérêt de son indépendance et de sa sécurité. Sa cause que nous appellerons légale, celle qui est gagnée dans l’opinion, et qui sera gagnée infailliblement dans les faits, si elle n’est point compromise par un recours intempestif et téméraire à la force, l’autorise à demander la fin de ces interventions autrichiennes qui ont infesté l’Italie depuis 1815, et qui ont arrêté et rendu impossible tout progrès politique dans la péninsule. Un orateur du parlement piémontais, M. Mamiani, vient, à propos de la discussion de l’emprunt, de tracer un éloquent contraste des provocations mutuelles que s’adressent, par l’antagonisme même de leurs institutions, l’Autriche italienne et le Piémont. Il a rappelé, comme M. de Cavour l’avait fait déjà en 1856 dans ses célèbres notes adressées au congrès de Paris, et vient de le faire encore dans sa récente circulaire, les intrusions successives de l’Autriche dans les petits états italiens. Ces provocations matérielles de l’Autriche, injurieuses à la liberté du Piémont et menaçantes pour son indépendance, peuvent, doivent et vont cesser, nous n’en doutons point, sous l’influence pacifique des grandes puissances, aujourd’hui enfin préoccupées de la question italienne. « Au surplus, s’est écrié M. Mamiani, la provocation existe d’un côté et de l’autre