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la politique de l’Autriche et la politique française, et tout le monde est force d’admettre que ce sont les intolérables abus du gouvernement pontifical qui rendent nécessaire la présence des forces étrangères à Rome et dans les Légations. Lord Granville, récemment arrivé de Rome, n’aurait pas voulu, disait-il, payer d’un retour discourtois l’hospitalité qu’il avait reçue dans cette ville, et pourtant il se voyait forcé de convenir que, pour un ami de l’humanité, rien n’était pénible comme le spectacle du gouvernement des États-Romains, et que la population laïque tout entière était hostile à ce système politique. « Le danger réel de l’Italie, s’est écrié lord Derby vient de la présence dans les États-Romains de deux armées, qui y sont placées non pour défendre les libertés italiennes, mais pour soutenir un gouvernement incompétent. » Les deux puissances grâce auxquelles ce gouvernement incompétent subsiste, la France et l’Autriche, se doivent donc à elles-mêmes et doivent à l’Europe de s’entendre pour obtenir la réforme efficace du gouvernement du saint-siège. Telle est, d’après M. Disraeli, le sens de l’invitation qui aurait été adressée à Paris et à Vienne par le cabinet anglais. Il a ajouté que s’il résultait des négociations de la France et de l’Autriche, sur les réformes à introduire dans les états du pape, la nécessité d’un remaniement des dispositions territoriales du traité de Vienne dans l’Italie centrale, l’Angleterre userait de ses conseils et de son influence auprès des signataires de ce traité pour obtenir leur adhésion aux modifications convenues. Nous n’avons pas besoin d’insister sur l’importance du conseil donné par le gouvernement anglais : un pareil conseil, dans l’état actuel de l’Europe, ne peut être accueilli par une fin de non-recevoir. Ne fût-ce que par ces égards d’urbanité que se doivent de grandes puissances alliées, la France et l’Autriche, lors même qu’elles débiteraient du résultat, ne peuvent se refuser à l’expérience qu’on leur demande au nom de l’Europe. Les opinions émises par lord John Russell complètent, à notre sens, la démarche officielle du cabinet anglais. « J’ai lu récemment, a dit lord John Russell, une brochure de M. Farini, l’auteur de l’Histoire des États du Pape, dont nous devons la traduction à M. Gladstone. À propos du traité de Paris, M. Farini observe qu’en vertu de ce traité les populations de Moldavie et de Valachie ont le droit de choisir la forme de gouvernement qu’elles préfèrent. Pourquoi, écrit-il, n’aurions-nous pas le même privilège ? Pourquoi le peuple de la Romagne ne serait-il pas réuni pour avoir à déclarer lui-même sous quelles lois il veut vivre ? » Lord John Russell ne doute point que les Romains n’aient plus de titres encore que les Moldo-Valaques à choisir leur gouvernement. Le noble lord va plus loin : il désire que l’on applique ù l’Italie un autre principe du traité de Paris. Convaincu que les interventions incessantes de l’Autriche depuis 1815 sont la cause la plus sérieuse des souffrances de l’Italie, il voudrait, conformément à ce qui a été décidé pour les provinces danubiennes, que désormais aucune puissance ne pût intervenir dans les petits états italiens sans une entente préalable de l’Europe. Ces suggestions de lord John Russell doivent naturellement se lier à la négociation demandée par le gouvernement anglais aux cabinets français et autrichien : elles achèveraient, si elles entraient dans la pratique, l’adoption par l’Europe du programme que nous analysions il y a un mois, et qui fut