Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et sans capitaux, faisaient subir aux fonds une oscillation continuelle. Melbourne grandissait d’ailleurs, et la prospérité matérielle de la colonie prenait un vaste développement. Dès la fin de 1853, les rues s’étaient alignées, des maisons en pierre à plusieurs étages avaient été bâties ; les quartiers excentriques n’étaient plus des fondrières, et nombre d’établissemens et de constructions d’utilité publique étaient commencés ou projetés. Un jardin botanique réunissait des échantillons de la flore curieuse et variée de l’Australie ; un terrain avait été assigné au nord de Melbourne à la construction d’une université. En juin 1854, le nombre des écoles était de cent soixante-sept, recevant douze mille enfans de toutes les communions. Cette extension du système d’instruction publique au milieu de l’agitation et des préoccupations de toute sorte est un des caractères remarquables des colonies australiennes. Une bibliothèque publique fut ouverte ; au mois d’octobre 1854, le Victoria eut une exposition préparatoire de la grande exposition de Paris. Ces pépites nues et enchâssées dans le quartz, ces grains d’or, ces armes, ces ustensiles indigènes, ces spécimens de l’industrie australienne que nous avons contemplés dans notre Palais de l’Industrie en 1855, Melbourne les avait réunis d’avance et disposés dans un édifice construit à cet effet, pour juger s’ils étaient dignes de ce grand concours. En trois ans, la population avait plus que triplé, le chiffre des importations s’était élevé de 800,000 livres à 18 millions, et la prospérité n’avait cessé de s’accroître même à travers les embarras financiers et la grande crise qui signalèrent la fin de l’année 1854.

Le mode de gouvernement qui fut introduit l’année suivante dans la colonie contribua encore à lui donner une physionomie particulière et y exerça une grande part d’influence. À la suite de sa séparation d’avec la Nouvelle-Galles, le Victoria, mécontent de sa situation subordonnée, ne cessa de réclamer une administration personnelle et la libre direction de ses propres affaires. Le parlement anglais fit droit à sa demande par un bill du 10 mai 1855, en vertu duquel la colonie obtint une chambre haute et une chambre basse. Les conditions d’admissibilité dans la première sont trente ans d’âge, la nationalité anglaise et la possession depuis un an au moins dans le Victoria de biens-fonds d’un capital de 5,000 livres ou d’un revenu de 500. Les électeurs doivent posséder un fonds de 1,000 livres ou un revenu de 100, Les membres du conseil ou chambre haute sont au nombre de trente. Les soixante membres de l’assemblée législative doivent être choisis parmi les sujets anglais résidant depuis deux ans ou les étrangers nationalisés depuis cinq ans. Les autres conditions sont vingt ans d’âge et la possession de 2,000 livres en biens-fonds. Un membre du conseil, pour chaque province se retire tous les deux ans, et la durée de l’assemblée