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REVUE DES DEUX MONDES.

bienveillance dont M. Bright et ses amis lui ont donné des preuves marquées dans la dernière session. La protection de l’école de Manchester sera-t-elle continuée au ministère de lord Derby dans la session qui va s’ouvrir ? Cela n’est guère probable, à en juger par le feu avec lequel M. Bright vient d’inaugurer à Manchester l’agitation de la réforme électorale. M. Bright veut quelque chose qui ressemble beaucoup au suffrage universel ; il veut surtout un changement profond dans ce que nous appellerions chez nous les circonscriptions électorales, afin de proportionner le plus possible le nombre des nominations des membres de la chambre des communes au nombre des électeurs ; il veut enfin le secret des votes. Il n’est pas possible que le projet de lord Derby donne satisfaction sur ces trois points au parti radical ; mais d’un autre côté une section très importante du parti whig se montre résolument hostile aux prétentions de M. Bright. Un ancien membre de l’administration de lord Palmerston, M. Robert Lowe, également connu comme un des rédacteurs les plus habiles du Times, vient de faire à cet égard une profession de foi très nette et très remarquable devant ses électeurs à Kidderminster. Suivant lui, le succès du plan de M. Bright dénaturerait les institutions britanniques. Il est donc probable que les whigs s’uniront aux tories contre les radicaux, et que cette nouvelle combinaison donnera une prolongation d’existence au cabinet de lord Derby. Dans tous les cas, il ne sera plus question d’un ministère de lord Palmerston. M. Lowe a déclaré, et ce n’est point la révélation la moins piquante de son discours, que son ancien chef ne pourrait plus reparaître à la tête d’un cabinet. e. forcade.



REVUE MUSICALE.

Tous les théâtres de Paris sont pleins de bruit, de chants et de succès ; des pièces nouvelles attirent la foule dans toutes les salles qui longent cette voie triomphale des boulevards, où le Théâtre-Lyrique brille d’un éclat particulier, en livrant à l’admiration des générations nouvelles un vieux chef-d’œuvre, si tant est qu’il y ait des chefs-d’œuvre qui vieillissent. La province s’émeut aussi au nom de Mozart et de ses Nozze di Figaro. La ville d’Angers vient de donner un exemple qui marquera dans l’histoire du dilettantisme. Cinq ou six cents amateurs de cette bonne ville, bien connue par son goût et son zèle pour l’art musical, se sont fait transporter à Paris, leur président en tête, et ont assisté, le 24 novembre, à la représentation d’un opéra qui est antérieur à la révolution de 89, et qui n’en est pas moins beau pour cela ! Qu’on dise encore qu’il n’y a plus de miracles, que la loi du progrès continu ne souffre aucune exception et s’applique à tous les phénomènes de l’esprit humain ! S’il en était ainsi, M. Verdi serait plus grand que Mozart. — Prenez garde, me dira-t-on, vous allez retomber encore du côté où vous penchez trop volontiers et justifier le reproche qu’on vous adresse d’être exclusif dans vos adorations, de n’admettre qu’un très petit nombre de saints dans votre chapelle, en refusant de prêter une oreille bienveillante aux grands hommes du jour, dont vous méconnaissez les hautes vertus. — Je sais que des contradic-