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unique. C’est ainsi que pour le budget de 1855, qui supportait, outre les recettes et les dépenses ordinaires, les dépenses extraordinaires de la guerre et les recettes extraordinaires des emprunts, la balance définitive a laissé un surplus de 394 millions à reporter sur 1856. Le budget de 1856 a pareillement donné un excédant de 112 millions. Enfin le budget de 1857, qui a soldé complètement toutes les dépenses de la guerre, donnera un excédant de recettes d’au moins 36 millions. Ces 36 millions permettront d’éteindre une somme égale dans le découvert, et de le réduire à 929 millions.

Mais dès l’année 1857 M. le ministre des finances avait songé à opérer la réduction des découverts avec des ressources plus sûres et plus importantes que les bonifications éventuelles qu’il était permis d’attendre de la clôture des comptes des prochains budgets. La loi du 10 juin 1857, en renouvelant le privilège de la Banque de France, avait porté à 200 millions le capital de cet établissement, et avait stipulé que 100 millions du nouveau capital seraient appliqués à l’extinction d’une portion égale du découvert, et consolidés en rentes 3 pour 100. La loi du 17 juin suivant avait autorisé le ministre à donner une destination semblable aux excédans disponibles de la caisse de dotation de l’armée pendant les années 1856, 1857 et 1858. Cette dernière opération avait été réalisée à la fin de l’année 1857, et avait permis d’atténuer les découverts d’une somme d’environ 57 millions. En tenant compte de cette réduction et de la bonification de 36 millions acquise à l’exercice 1857, on voit le découvert ramené à 872 millions ; enfin il descend à 772, si l’on défalque les 100 millions de la Banque qui seront dus au trésor l’année prochaine.

Les deux conséquences regrettables ou dangereuses des découverts excessifs du trésor sont en premier lieu qu’ils enchaînent, comme nous le disions tout à l’heure, les budgets du présent et de l’avenir : — comment songer en effet, sous le poids d’une énorme dette exigible, à opérer, par exemple, sur le budget des recettes, des expériences qui peuvent féconder l’avenir, mais qui pourraient diminuer passagèrement les ressources actuelles ? — et en second lieu qu’ils obligent le trésor à exagérer l’expédient de la dette flottante. Les ressources que l’état trouve ou puise dans la dette flottante peuvent se diviser en trois catégories. Parmi ces ressources, il en est qui s’imposent à l’état et qu’il ne peut pas refuser : tels sont les capitaux qui proviennent des cautionnemens et les fonds des départemens et des communes, dont l’état est le caissier ; celles-là d’ailleurs forment entre les mains de l’état un dépôt dont l’importance ne varie guère, et dont la tendance serait plutôt de s’accroître. Il en est d’autres qui s’imposent également à l’état, mais pas avec le même caractère de nécessité : ce sont les fonds des caisses d’épargne ; l’état est obligé de recevoir ces fonds, mais l’importance pourrait en être diminuée. Déjà le maximum des dépôts admis aux caisses d’épargne a été abaissé ; il peut, comme le pense M. Magne, être réduit encore. Enfin il est des ressources que le trésor va chercher comme tout le monde sur le marché des capitaux, en recourant au crédit et en faisant concurrence aux demandes et aux besoins de crédit de l’industrie et du commerce : ce sont celles qu’il se procure par l’émission des bons du trésor. De ces trois catégories de la dette flottante, l’une n’est pas dangereuse, parce que