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7 juillet 1811 que l’emplacement du fort serait excavé au niveau des basses mers de vive-eau, et qu’un massif de maçonnerie en grands blocs de granit serait élevé de cette profondeur à une hauteur de 9m 10. On a remarqué dans le cours des travaux de la digue de Cherbourg que ce n’est qu’au-dessus du niveau des hautes mers de morte-eau que se produisent les grandes avaries. La raison en est simple : au-dessous, la digue se défend par son épaisseur et par le peu d’inclinaison des talus, et les grandes tempêtes coïncident ordinairement avec les syzygies. Cette expérience a permis de réduire sensiblement, sans nuire à la solidité, l’épaisseur du massif gigantesque de maçonnerie qui sert de base au fort central : il ne descend pas au-dessous des hautes mers de morte-eau. Les tempêtes qui l’ont assailli depuis trente ans ne l’ont pas plus ébranlé que les bancs de granit d’où il est sorti, et il peut être considéré comme aussi indestructible qu’aucun ouvrage sorti de la main des hommes.

M. Cachin termina en 1823 une carrière dont le souvenir durera autant que les travaux de Cherbourg; il eut pour successeur M. Fouques-Duparc, qui était son collaborateur depuis 1803. Il laissait indécise une grave question, celle du couronnement à donner à la digue. La fixation de la crête de cette immense construction n’importait pas moins que l’assiette de sa base, car, puisque la mer tendait sans cesse à renverser les parties supérieures, la persistance d’une action libre aurait étalé dans la rade les matériaux enlevés sur la crête jusqu’à ce que l’équilibre entre la force de l’attaque et celle de la résistance fût atteint : la digue n’aurait plus alors été qu’un grand écueil sous-marin sur le dos duquel les tempêtes des syzygies auraient fait bondir les lames et propagé l’agitation des flots jusqu’au rivage. M. Duparc avait des idées très arrêtées sur les moyens de pourvoir à cet état de choses : M. Cachin, qui avait assurément acquis le droit d’avoir en ses vues plus de confiance que dans celles des autres, rejetait les propositions de son subordonné, en y substituant un système que celui-ci croyait condamné par l’expérience; mais cette divergence d’opinions n’aurait été préjudiciable que si le moment d’achever la digue était venu plus tôt.

Le nouveau directeur commença par faire constater par des levers rigoureux le relief de la digue, et c’est ici le lieu de faire un retour sur le passé, pour se rendre compte des modifications que quarante années du travail de la mer avaient apportées à l’état des masses de matériaux qu’on lui avait confiées. Au début de l’entreprise, on calculait que, baigné par des eaux tranquilles, le talus intérieur garderait à peu près la pente du tassement naturel des matériaux, et que, pour résister à la sape des courans de marée et aux