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LA
VISION DE PAO-LY


Quand on fait route vers le Levant, c’est avec un battement de cœur que l’on voit poindre du milieu des flots les rochers blancs de l’île de Malte et les imposantes murailles de la Cité-Valette. Si vous allez à Jérusalem, au Bosphore ou aux bords du Nil, combien de souvenirs s’éveilleront en vous à l’aspect de cet îlot fameux, que la Providence a jeté entre l’Afrique et la Sicile pour marquer le point où finit l’Occident et où l’Orient commence ! L’apôtre saint Paul y prit terre après son naufrage ; il bénit ce lieu, où l’Europe catholique devait établir un jour les fiers chevaliers auxquels était confiée la tâche d’arrêter les invasions de l’islamisme. Toutes les nations de l’ancien monde, tous les peuples modernes y ont laissé des traces de leur passage, depuis les Phéniciens jusqu’aux Romains, depuis les Grecs de Constantinople jusqu’aux Français de l’expédition d’Egypte. Un si glorieux passé se reflète encore assez bien dans les monumens nombreux de la Cité-Valette, vaste entassement de fortifications bâties sur le roc, de palais italiens, d’églises chargées d’ornemens, et de hautes maisons décorées de grands balcons projetant leur ombre sur des rues dont quelques-unes ne sont que des escaliers sans fin, rudes à monter et effrayans à descendre. Assurément, si Malte appartient encore à l’Europe, elle ne tient par aucun point à l’Occident. Au fond des fossés de la ville, ne voyez-vous pas se dérouler les feuilles immenses du bananier ? ne sentez-vous pas les rayons ardens d’un soleil presque tropical ? Cette brise si fine, qui agite à peine les flots transparens de la Méditerranée, ne vous convie-t-elle pas à partir pour les régions célèbres qui furent le berceau de l’humanité ?