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jour, tant les dispositions hostiles des cipayes deviennent de plus en plus évidentes. La révolte militaire se prépare ; elle doit éclater le 22 mai sur tous les points à la fois. Le 18, Nicholson, alors simple colonel du 27e et commissaire délégué, se décide à brusquer la situation. Il commence par mettre en sûreté dans la forteresse de Pesliawur le trésor, où se trouvent 25 lacks de roupies (6,250,000 fr.), destinés d’abord comme subsides à Dost-Mohammed. Il envoie par détachemens, sous les canons de trois forteresses gardées par les levées montagnardes (khelat-i-ghilzies), le 64e qui a donné des signes d’insubordination. Il somme le général Cotton de désarmer le 24e et le 27e (le propre régiment de Nicholson), bien convaincus d’avoir tenu des réunions nocturnes. Ce désarmement s’opère sans résistance, grâce aux précautions prises, et ceci à la vue d’une innombrable assistance de cavaliers afghans, accourus pour voir si les brahmines se laisseront enlever leurs fusils, à la vue aussi d’une multitude de montagnards qui espèrent un conflit, une lutte, un pillage, indifférens d’ailleurs à l’issue de l’affaire. Aussitôt après s’être débarrassé des deux corps suspects qu’il ne pouvait laisser derrière lui à Peshawur, Nicholson, avec un régiment européen, marche droit au 55e qu’on lui signale comme en état de révolte ouverte. En effet il le trouve débandé à la suite d’une émeute nocturne dans laquelle ont failli périr tous les officiers anglais, protégés par quelques soldats qui sont restés sous le drapeau. Le terrible deputy commissioner, avec de l’artillerie à cheval, un régiment de cavalerie irrégulière et une centaine de fantassins du Pendjab, s’élance sur les traces des fugitifs, les rejoint au galop, en tue cent vingt, en prend cent cinquante, et reçoit presque tous les autres des mains des zemindars épouvantés.

Les échos de la vallée de Peshawur répètent à l’envi le nom de Nikkul-Seyn, auquel un prestige tout-puissant s’attachera désormais. On se dit qu’il est resté vingt heures sans quitter la selle; on parle de l’enthousiasme avec lequel l’ont suivi les irréguliers du Pendjab. Bientôt on apprend de lui une nouvelle prouesse. Le 10e de cavalerie irrégulière s’était mal conduit à Ferozepore, ainsi que nous l’avons raconté. On lui réservait sa punition. Une moitié de ce corps avait été dirigée vers Peshawur, l’autre demeurant à Now-Shera, c’est-à-dire à quelques lieues en arrière. Or, par une suite de mouvemens bien combinés, cinq cents cavaliers du Moaltan, nouvelles recrues intrépides et fidèles, partis de Peshawur pour Delhi, et un fort détachement d’infanterie anglaise, parti de Rawul-Pindee pour Peshawur, devaient se rencontrer à Now-Shera pour y cerner et y désarmer cette dernière fraction du régiment condamné, ce qui s’opéra sans difficulté. A Peshawur, l’autre moitié subit le