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anciens ennemis les Hindous. Cet audacieux appel fut parfaitement écouté : les villageois accoururent sur les points menacés, et couvrirent les chemins de barricades épaisses, formées de pesantes charrettes. L’un d’eux donna même l’idée d’y laisser les attelages, le contact des bœufs faisant autant de peur que celui des sabres aux superstitieux brahmanes. Dans Umritsur même, on n’eut que de misérables tentatives à réprimer. La plus significative fut celle d’un gardien de ville (musulman) qui tua une vache, pour mettre ensuite au compte des chrétiens cette souillure infligée à la population hindoue; mais, découvert à temps, il fut fouetté jusqu’au sang, puis condamné à un an de fers. L’épreuve ne fut plus renouvelée.

Les petits souverains féodaux que l’annexion avait laissé subsister se montrèrent généralement plus attachés qu’on ne pouvait l’espérer. Presque tous avaient eu des griefs à faire valoir, ou des compensations à réclamer. Ils mirent un certain orgueil à ne pas choisir l’heure du péril pour faire reconnaître les uns et liquider les secondes. Les rajahs de Patiala, de Bikaneer, de Kuppoorthulla, se distinguèrent par le zèle qu’ils déployèrent en faveur de la race conquérante, et le vakil du premier de ces princes, pour exprimer la sollicitude de son maître, disait «qu’il dormait un œil toujours ouvert sur les intérêts de l’armée anglaise. » Le fait est qu’à un moment donné, c’est-cà-dire pendant que le malheureux général Anson, attendant son artillerie de siège à Umballa, se trouvait à la merci de ses troupes, mécontentes et fort ébranlées dans leur fidélité au drapeau, le rajah de Patiala maintint seul avec sa petite armée les communications avec Kurnaul. Il recueillait d’ailleurs, il protégeait et entretenait avec une libéralité princière les fugitifs qui lui arrivaient de toutes les stations insurgées dans le Hansi et le Hissar.

La mort du général Anson, dont l’impopularité paralysait l’action, et qui paraît avoir manqué de l’énergique décision réclamée par des circonstances aussi critiques, donna lieu à la formation d’un conseil de guerre rassemblé à Peshawur, Nous y voyons figurer le colonel Nicholson, qui allait bientôt se signaler dans l’exécution des plans mûris d’un commun accord avec ses collègues[1]. Il était temps d’adopter des mesures décisives, car la situation, malgré tout, s’aggravait. Le brigandage, à peine détruit depuis peu d’années, reparaissait de tous côtés; les mouvemens insurrectionnels, plus ou moins caractérisés, qui avaient éclaté à Thanesur, à Ferozepore, et même à Umballa, sous les yeux du général en chef, donnaient à craindre que la fidélité des Sikhs ne fût bientôt ébranlée. Le district de Simlah, cette terre de prédilection où se jettent,

  1. Le grand conseil de guerre établi à Peshawur se composait, avec lui, des généraux Reed, Cotton, Neville Chamberlain, et du colonel Edwardes.