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conservent à la France, comme un dépôt fécond, cette union libérale de l’éloquence avec la culture littéraire, que M. Plocque définissait l’autre jour en des termes si heureux et si touchans.

La consolante expérience qui a commencé en Prusse se poursuit dans les circonstances les plus favorables. Les élections se sont accomplies dans le plus grand ordre : elles donnent au ministère constitutionnel une majorité assurée, au parti libéral, si l’on comprend sous cette dénomination le parti constitutionnel, une victoire incontestable, et font subir au parti de l’absolutisme et des idées féodales une éclatante défaite. La Gazette de la Croix n’essaie même pas de dissimuler le triomphe de ses adversaires et la déroute de ses amis. Le sens des élections prussiennes n’est donc douteux pour personne. L’ancien système est condamné par le pays après avoir été abandonné par le nouveau gouvernement. On a reproché cependant au ministre de l’intérieur, M. de Flotwell, d’avoir découragé par une circulaire des pétitions qui demandaient certains amendemens libéraux au système électoral. Si le ministre de l’intérieur a repoussé par cette circulaire les exigences du parti constitutionnel, par une autre circulaire il a mis un frein plus sévère aux licences électorales que le parti féodal s’était permises impunément jusqu’à ce jour. Il a donc tenu la balance égale entre les partis. Le côté le plus intéressant du mouvement électoral qui vient de s’accomplir est la résolution qu’ont prise les hommes du parti démocratique de 1848 de s’abstenir de toute candidature. Rien de plus sage que cette résolution. En Prusse en effet, comme dans les autres pays du continent qu’ont stérilement troublés les agitations de 1848, l’opinion publique, formée là, comme partout, par les classes éclairées et par les classes industrieuses, a gardé, bien à tort quelquefois, rancune aux hommes qui, ayant joué un rôle en 1848, portent malheureusement la responsabilité des douleurs, des frayeurs et des mécomptes de cette époque. L’œuvre réparatrice du gouvernement du prince-régent eût été infailliblement compromise, si les noms fâcheux de 1848 se fussent présentés devant les électeurs. Un grand nombre de voix modérées se fussent rejetées, par préjugé et par crainte, vers les candidatures féodales. Tout succès partiel obtenu par les démocrates eût décuplé les chances des hobereaux. L’excellent esprit politique des démocrates prussiens a conjuré ce danger. Comme tout acte habile et sensé, l’abstention des démocrates a eu promptement sa récompense ; l’opinion rassurée est aussitôt devenue moins injuste envers eux, et les préjugés que réveillait le souvenir de 1848 ont reçu un ébranlement que la bonne conduite des démocrates, unissant leur cause à celle des libéraux, achèvera bientôt, nous l’espérons. Quel parti le régent et son ministère tireront-ils des heureux élémens que présente la situation politique de la Prusse? Plusieurs personnes ont voulu voir quelques symptômes décourageans pour les espérances qui ont accueilli la régence dans un discours adressé par le prince à ses ministres,-nous ne partageons point cette opinion. Si le langage que l’on prête au prince de Prusse est bien celui qu’il a tenu, nous n’en sommes point surpris. Nous l’avons déjà dit, le prince de Prusse n’est point un libéral d’ostentation ni de chimère. C’est un esprit froid et droit; il est incapable de donner des espérances illusoires, il est incapable de manquer aux promesses qu’il a faites. Que l’on songe d’ail-