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question des principautés, au lieu d’être pour le congrès de Paris l’objet principal, n’était qu’un corollaire. Sur ce corollaire comme sur les autres, il y avait entre toutes les puissances qui prenaient part aux conférences une convention tacite : c’est que chacune exprimerait ses opinions et s’efforcerait de les faire triompher par la persuasion, mais que d’avance toutes acceptaient la conclusion définitive arrêtée par la majorité. Relativement aux principautés par exemple, quand la France avec une libérale hardiesse présenta aux conférences de Vienne de 1855 le principe de l’union sous un prince étranger, le mémorandum déposé par M. de Bourqueney subordonnait explicitement à l’agrément de la porte l’arrangement recommandé par nous.

Notre diplomatie depuis la paix a repris ce thème dans les conférences de Paris : l’Angleterre, qui l’avait adopté au commencement, céda la première aux répugnances invincibles de la porte et à l’opposition de l’Autriche. Au fond, la France seule, parmi les quatre grandes puissances, était assez désintéressée dans la question pour tenir à une solution définitive ; la Russie pas plus que l’Autriche ne saurait vouloir d’un arrangement qui fermerait à l’une comme à l’autre puissance toute pensée d’avenir du côté du Bas-Danube. L’Angleterre, pour rétablir auprès de la Sublime-Porte son crédit un peu ébranlé par les événemens de la guerre de Crimée, croit parfois être habile en caressant les préjugés du divan, et c’est ce qu’elle a fait en renonçant à l’union des provinces danubiennes sous un prince étranger. La France, obligée de se rendre à l’avis de la majorité, — et n’oublions pas que dans une conférence, si les voix se comptent, elles doivent aussi être pesées, — la France a dû acquiescer à une solution provisoire. Seulement elle a obtenu que cette solution provisoire se rapprochât autant que possible des vœux exprimés par les populations roumaines, et fût en quelque sorte une transition vers l’unité future. Si ce résultat n’a point rempli tous les vœux du ministre des affaires étrangères de France, il fait honneur du moins au zèle persévérant que M. Le comte Walewski a déployé dans ces longues et pénibles négociations. Pour nous résumer, la question des principautés n’était pas, quelle qu’en soit l’importance, la question principale dans les transactions qui se rattachent à la paix de Paris ; cette question ne pouvait donner lieu à ces antagonismes de prétentions qui peuvent aboutir comme dernier recours à la guerre. Il était entendu d’avance qu’elle devait recevoir une solution concertée entre les contractans du traité de Paris. La France, organe de l’opinion la plus désintéressée et la plus libérale, n’a pas réussi à la faire prévaloir complètement; mais elle a obtenu pour elle des succès notables. Ses représentans dans les conférences peuvent regretter, dans l’intérêt des populations roumaines, et même dans un intérêt européen, de n’avoir pas pu convertir tout à fait leurs collègues étrangers, mais ils n’ont point de reproche à se faire et n’ont à gémir d’aucune blessure d’amour-propre; en un mot, il n’y a pas lieu, dans le sens diplomatique du mot, de parler de défaite ni de victoire.

Nous pensons avoir établi la position de la politique française dans l’affaire des provinces danubiennes avec assez de loyauté et de franchise pour avoir le droit de justifier les expressions de regret qu’une solution impar-