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tombèrent, au 24 février, les cartons des affaires étrangères. Nous ajouterons que cette politique, qui avait peut-être le tort de trop dédaigner l’ostentation, et qui ne cherchait l’agrandissement de l’influence française en Europe que dans le progrès et la contagion des principes que représente la France de 1789, a été fatalement interrompue par la révolution de 1848, au moment même où partout en Europe s’inscrivait dans les faits la vertu de sa pacifique et libérale propagande. Aux monarchies constitutionnelles et étroitement unies à la France de Belgique et d’Espagne, qui étaient son œuvre, s’ajoutaient alors la Prusse adoptant les institutions représentatives, le Piémont se préparant au statut, le pape prenant, sous les conseils de l’illustre Rossi, la direction du mouvement libéral italien. Tels sont les fruits de la politique de 1830 ; ils mûrissaient ou allaient mûrir lorsque les intempestives révolutions de 1848 sont venues les dessécher. N’est-il pas au moins étrange que dans un temps comme le nôtre, où le calme de la pensée, cette première condition de l’impartialité, ne semblerait devoir manquer à personne, une certaine école continue toujours à parler de la politique de 1830 avec l’injustice et l’ignorance d’une opposition qui attaquerait un pouvoir encore debout? Qui a posé sur la question des principautés cette odieuse et puérile antithèse de coup d’état européen ou de Waterloo diplomatique ? Ce n’est pas M. Saint-Marc Girardin, comme on semblerait vouloir le laisser croire. Ni les habitudes modérées et sensées de son esprit, ni les antécédens de la politique qu’il a servie et estimée ne pouvaient lui fournir les termes d’une pareille antithèse. Cette choquante conclusion est venue à la pensée de l’auteur d’une brochure qui a ému un instant l’opinion il y a quelques mois, et où l’on croyait flétrir ce qu’on appelait « les dix-huit années de la paix à tout prix » et «la couardise du dernier règne. »

Si le sentiment éclairé et la fierté du patriotisme ne nous eussent point suffi, si nous avions eu besoin de la leçon de l’ilote ivre, la répugnance que nous inspire la tactique d’opposition qui a si cruellement poursuivi, même après sa chute, la politique de 1830 nous aurait appris à être justes envers la politique étrangère des gouvernemens de notre pays, quels qu’ils soient. Tant que la politique extérieure de nos gouvernemens respectera l’indépendance et les droits des autres peuples, tant que, ce qui nous paraît impossible au degré de civilisation où nous sommes arrivés, on ne fera pas revivre ces idées de domination universelle où la témérité d’un autre âge plaçait ses aspirations à la grandeur, nous respecterons et nous défendrons, dans la mesure de nos forces, l’action étrangère du gouvernement actuel de notre pays, et nous refuserons de porter au-delà des frontières de la France les dissentimens que la politique intérieure nous pourrait inspirer. Ce n’est point de notre part une protestation vaine. Nous avons fait nos preuves dans cette question même d’Orient, sur un épisode de laquelle on nous cherche noise aujourd’hui. Lorsque l’empereur Nicolas a voulu, dans la question des lieux-saints, faire un affront à la France, lorsque, sous le couvert d’un protectorat religieux, il n’a pas craint d’ébranler l’équilibre européen en portant atteinte à l’indépendance de la Porte-Ottomane, lorsque la France, pour défendre son honneur et pour prévenir une perturbation qui eût détruit la pondération des forces politiques dans le monde, fut contrainte de recourir