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dirent-ils. Faites sur-le-champ charger les armes (il y avait une compagnie entière, et même plus, de garde à la porte du palais). — Mais le subadar insulta le commissaire en chef, et lui dit de partir au plus vite. MM. Fraser et Douglas, entendant ceci, rentrèrent à la hâte dans l’intérieur, où ils furent poursuivis par les cavaliers. L’un de ceux-ci déchargea son pistolet sur M. Fraser, qu’on vit chanceler et s’appuyer à la muraille. Arriva un autre cavalier qui, d’un seul coup de sabre, lui trancha la tête, et ensuite de la même manière tua le capitaine Douglas. Ils se portèrent ensuite vers la salle d’audience, où ils tuèrent encore deux Européens, puis vers le Durreeougunge, où ils mirent le feu à toutes les maisons. Un autre régiment de cipayes, survenant un peu plus tard, engagea les budmashes à piller les maisons; car, pour eux (les cipayes), ils regardaient ceci comme huram, et ne voulaient pas se commettre à toucher eux-mêmes les objets pillés. Il y eut ensuite cinq gentlemen et trois ladies massacrés dans le Durreeougunge. Les autres se réfugièrent dans la maison du rajah de Kishungur. Les cavaliers allèrent ensuite à la Banque, où ils mirent le feu, et tuèrent encore cinq gentlemen; puis ils allèrent à la kotwalee (préfecture de police) pour notifier qu’on eût à faire piller les maisons par les budmashes; sur quoi le kotwal se cacha, ne prenant aucune mesure pour protéger la population, et laissant même piller la kotwalee. »


A l’arsenal cependant se préparait une défense héroïque, relatée dans la dépêche d’un des braves officiers qui échappèrent, comme par miracle, à la catastrophe dont ils furent les principaux agens. Elle a immortalisé le nom du jeune lieutenant George Dobson Willoughby, qui avait alors le commandement de ce poste. On aura peine à croire qu’il y avait là, sans un soldat européen et sous la garde de quelques cipayes, un immense matériel militaire, dont faisaient partie notamment trois trains complets d’artillerie de siège avec tous leurs approvisionnemens de poudre et de projectiles. Bien décidé à ne pas laisser tant de ressources tomber aux mains des rebelles, Willoughby fit fermer et barricader toutes les portes de l’arsenal. A l’intérieur de celle qu’il jugeait devoir être attaquée la première, — celle qui ouvre sur le parc, — il établit deux pièces de 6 chargées à mitraille et à double charge. Deux des huit Anglais dont il pouvait disposer restèrent près de ces canons, mèche allumée, avec ordre de faire feu si on tentait de forcer la porte, et de se replier ensuite vers le point de l’arsenal où s’étaient postés les lieutenans Willoughby et Forrest. Deux autres pièces et des chevaux de frise défendaient la principale porte. Plusieurs autres canons et obusiers furent placés de manière à commander dans toutes les directions les divers pavillons et les cours du grand édifice. Enfin une traînée de poudre, communiquant au principal dépôt de munitions, était préparée comme ressource suprême. On n’y devait mettre le feu qu’à un signal convenu, lorsque l’un des subalternes anglais, le