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testans disent : «Nous ne croyons qu’à la parole de Dieu. » «C’est nous qui croyons à la parole, dit de Maistre, tandis que nos chers ennemis s’obstinent à ne croire qu’à l’Écriture, comme si Dieu avait pu ou voulu changer la nature des choses et communiquer à l’Écriture la vie et l’efficacité qu’elle n’a pas ! L’Écriture sainte n’est-elle donc pas une écriture? N’a-t-elle pas été tracée avec une plume et un peu de liqueur noire? Sait-elle ce qu’il faut dire à un homme et ce qu’il faut cacher à un autre? Leibnitz et sa servante n’y lisaient-ils pas les mêmes mots? Si la parole éternellement vivante ne vivifie l’Écriture, jamais celle-ci ne deviendra parole, c’est-à-dire vie. » Ce qu’il dit du dogme, il le dit aussi de l’organisation de l’église : elle est monarchique par la nature des choses, la vaste étendue de l’association chrétienne exige la monarchie; mais « les évêques de Rome n’étaient point dans les premiers siècles ce qu’ils furent depuis, » aucun acte formel n’a déterminé leur autorité, et sur cette question, pourtant fondamentale, de savoir quelle est cette autorité, il n’y a que des faits, des antécédens, point de loi. Elle va se resserrant ou s’élargissant pour s’adapter aux temps et aux nécessités, n’écoutant « qu’une certaine sagesse politique éclairée par la conscience universelle. »

Si l’on a bien mesuré la portée de ces principes, qui « humanisent » les dogmes, comme on disait à Rome, et réduisent tout à ce gouvernement général de la Providence, qui régit d’après de certaines lois de formation et de croissance toutes les religions comme tous les états, on comprendra mieux sa théorie de souveraineté pontificale, on en verra disparaître une contradiction, et, si l’on y trouve toujours un anachronisme, on y reconnaîtra aussi un sens très élevé, quoique sous une forme impossible.

La difficulté était grande : que faire de l’infaillibilité? Comment l’offrir au monde? Mais cette force indéfinissable, cette « inspiration qui est bien aussi quelque chose, » le poussent; il va droit sur l’écueil. Qu’est-ce que l’infaillibilité? Une question de mots. On appelle ainsi dans l’ordre spirituel ce qui dans le temporel s’appelle souveraineté; «ce sont deux mots parfaitement synonymes. » L’infaillibilité «n’est point un privilège particulier» de l’église; c’est un « droit commun à toutes les souverainetés possibles. » Ne faut-il pas partout un pouvoir qui ait le dernier mot? dans l’ordre judiciaire même, « ne faut-il pas absolument en venir à une puissance qui juge et n’est pas jugée? » Toute souveraineté, quelle que soit sa forme, soit qu’elle parle par un bill ou par un fetfa, n’est-elle pas en définitive absolue? ne prononce-t-elle pas en dernier ressort, de manière à rendre à l’instant l’obéissance obligatoire? « dans la pratique, c’est absolument la même chose de n’être pas sujet à l’er-