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dépend de la nature des choses, et qui n’a nul besoin de s’appuyer sur la théologie; » cet autre « a sa profonde racine dans la nature humaine et dans une opinion universelle; » aussi Tertullien, « en disant que l’homme est naturellement chrétien, a dit certainement plus qu’il ne croyait dire. » Lui cependant ne dit-il pas aussi plus qu’il ne croit dire, et s’il va plus loin que Tertullien dans le naturel, où va-t-il ?

Le dogme est universel; on pouvait déjà le conclure de ce qui précède. De Maistre s’empare d’une ancienne maxime, quod semper, quod ubique, etc., « ce qui a été cru toujours, partout, et par tous; » et cette maxime, autrefois renfermée dans le cercle de l’église, il l’étend à tous les peuples et à tous les temps, et la traduit ainsi : « Toute croyance constamment universelle est vraie, et toutes les fois qu’en séparant d’une croyance quelconque certains articles particuliers aux différentes nations, il reste quelque chose de commun à toutes, ce reste est une vérité[1]. » Ce serait « un ouvrage d’un nouveau genre, et qui ne serait pas des moins convaincans, » que celui où l’on réunirait les analogies religieuses des peuples. On voit ici combien l’idée était nouvelle dans la controverse catholique, et quelle portée il lui donne : ce n’est pas un pur traditionalisme tel qu’on a voulu le constituer depuis, c’est quelque chose de plus. Au reste, c’est aux martinistes qu’il l’a empruntée. « Je suis, dit-il, entièrement de l’avis de ce théosophe qui a dit de nos jours que l’idolâtrie était une putréfaction. Qu’on y regarde de près, on verra que, parmi les opinions les plus folles, les plus indécentes, les plus atroces, parmi les pratiques les plus monstrueuses et qui ont le plus déshonoré le genre humain, il n’en est pas une que nous ne puissions délivrer du mal (depuis qu’il nous a été donné de savoir demander cette grâce), pour montrer ensuite le résidu vrai, qui est divin[2]. » Il voudrait qu’en souvenir des missionnaires on élevât une statue à Jésus-Christ dans quelque ville opulente assise sur une antique savane; « on lirait sur le piédestal : « l’OSIRIS CHRETIEN, dont les envoyés ont parcouru le monde, etc. » Il admet d’ailleurs de fort bonne grâce, et comme une analogie de plus, le terme de mythologie pour exprimer ces faits merveilleux dont la tradition populaire orne tous ses récits, et qui sont en même temps un témoignage du sens divin de l’humanité et une forme des idées morales. « Toute religion, dit-il, pousse une mythologie; mais celle de la religion chrétienne est toujours chaste, toujours utile et souvent sublime, sans que, par un privilège particulier, il soit jamais possible de la confondre avec la religion même. Voilà la mythologie chrétienne; c’est la vérité dramatique, qui a sa valeur et son effet indépendamment de la vérité littérale, et qui n’y

  1. Principe générateur.
  2. Éclaircissement sur les Sacrifices.