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deurs dans la capitale donne du prestige aux consuls dans les provinces. Ceux-ci peuvent compter à tout moment sur l’appui invariable de leur chef. Au contraire, les gouverneurs des villes craignent toujours d’être désavoués par leurs ministres capricieux et éphémères : ils évitent donc tout conflit avec les consuls. Voilà pourquoi Kuhman portait fièrement le large galon d’or qui entourait sa casquette consulaire. Aussi s’empara-t-il tout d’abord de la conversation.

Après les confidences diplomatiques de Kuhman vint l’exposé des plans financiers de Bacley. Une société anonyme se formait en Angleterre, demandant la concession de la prise de Séhastopol. Bacley en était l’agent dans les pays orientaux. — Rien de plus naturel que notre affaire, disait le hardi spéculateur. On ne se bat plus maintenant pour les caprices des souverains. Une guerre est une entreprise de commerce dont on estime les bénéfices nets avant de la commencer. Pourquoi dès lors ne pas donner à cette spéculation la forme qu’on donne aux autres? Qu’est-ce que les armées, sinon des machines qui se meuvent, comme toutes les machines, au moyen de capitaux? Nous entreprenons à forfait la prise de Sébastopol pour une misérable somme de cent cinquante millions sterling. Les gouvernemens, qui ne savent rien faire avec économie, dépenseront le triple, s’ils s’obstinent à agir eux-mêmes. Une magnifique affaire! Allons, docteur, mettez là-dedans vos économies! Avant un mois, les actions feront cinq livres de prime.

— Mais, dit le docteur, quels sont vos moyens pour prendre Sébastopol ?

— Ah! si je vous le disais, votre fortune serait faite. Sachez seulement que tous les hommes que nous emploierons seront intéressés directement dans l’entreprise comme possesseurs d’actions. La belle