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MME FORTUNI
SCÈNES ET RÉCITS DES BORDS DE LA MER-NOIRE.



I.

Varna est une ville forte située sur la côte de la Mer-Noire. Peu de gens en avaient entendu parler avant ces dernières années ; mais elle est devenue célèbre par le séjour qu’y fit l’armée française au commencement de la dernière guerre contre la Russie. Pendant le siège de Sébastopol, Varna resta occupée par les Français, et les événemens y réunirent les personnages les plus divers. Si l’on arrive à Varna par mer, on aperçoit d’abord, au-dessus des remparts, un rideau de maisons bariolées de toutes couleurs et ornées de mâts où flottent des pavillons : ce sont les demeures des consuls et des autres Européens. Derrière ce rideau, la ville se cache, formée d’un amas irrégulier de maisons bâties avec du bois et de la boue. Elle se divise en plusieurs parties : ici le bazar, où les marchands grecs, juifs et turcs passent fraternellement leurs journées à côté les uns des autres, dans des échoppes ouvertes; à gauche, le quartier des Grecs, sale et tortueux, mais vivant et animé; dans le fond, le quartier turc, indiqué par les minarets aigus de ses mosquées, désert et silencieux. Les rues n’y sont bordées que de murs nus et tristes : à peine de loin en loin paraît une fenêtre garnie d’un épais treillage; les portes des maisons ne s’ouvrent que rarement et avec mystère.

Si l’on arrive dans la ville en venant de terre, on trouve, après avoir franchi l’enceinte fortifiée et avant d’arriver aux premières cabanes, un vaste espace vide, et l’on traverse le cimetière des mu-