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verte, le ciel d’un bleu vif, le terrain couleur cle poussière, c’est-à-dire à peu près lilas. Une seule ombre au milieu de la vive lumière se dessinait du côté de la place où déjà le soleil inclinait, et cette ombre, inondée des reflets du ciel, aurait pu, grossièrement du moins, s’exprimer elle-même par du bleu.

« Vous voyez bien, dis-je à mon auditeur, cette place et ces enfans ? La scène est familière et dans les conditions du genre ; le cadre lui-même a ce double avantage de l’accompagner d’une manière très simple et cependant très locale. Prenons pour exemple ce tableau qui semble tout préparé d’avance et facile à copier comme à décrire. L’exemple en vaut un autre. L’Orient peut à la rigueur tenir dans ce cadre étroit.

« Et d’abord, si vous me permettez d’être pédant tout à mon aise, que voyons-nous ? Sont-ce des enfans qui jouent dans le soleil ? Est-ce une place au soleil dans laquelle jouent des enfans ? La question n’est pas inutile, car elle détermine avant tout deux points de vue très différens. Dans le premier cas, c’est un tableau de figures où le paysage est considéré comme accessoire ; dans le second, c’est un paysage où la figure humaine est subordonnée, mise au dernier plan, dans un rôle absolument sacrifié. À cette question, qui crée aussitôt tant d’opinions diverses, chacun répondra d’après son tempérament propre, sa manière de comprendre les choses, l’habitude de son œil et les dispositions de son talent. Le paysagiste y verra donc un paysage, le peintre de figures un sujet ; l’un y distinguera des taches, l’autre des costumes, un troisième en étudiera l’effet, un quatrième y verra des gestes ; un autre encore, des physionomies. Suivant qu’on les envisagera de près ou de loin, les erîfans deviendront tout ou ne seront plus rien, et si nous les supposons assez près du peintre pour que le portrait de chacun d’eux prenne un intérêt dominant, alors une modification singulière apparaîtra dans ce tableau si simple. Tout le paysage à la fois disparaîtra ; à peine apercevra-t-on vaguement quelque chose comme un terrain frappé de lumière et des indications de mise en scène orientale ; il ne restera plus de visible et de formulé qu’un groupe important surtout par sa signification humaine, composé d’enfans animés de mouvemens rapides et de passions joyeuses, et présenté de manière à mettre en évidence l’expression du geste chez les uns, le jeu de la physionomie chez les autres. D’élimination en élimination, nous arrivons de la sorte à réduire le cadre, puis à le supprimer, à grandir le groupe, puis à le simplifier. Le costume lui-même devient un accident secondaire dans un sujet dont l’intérêt se concentre à ce point sur des formes humaines et sur des visages , et du premier coup nous supprimons le soleil et l’excessive lumière, double ob-