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le voulons bien, mais soyons-le de la bonne façon. Excitons-nous à les égaler; nous ne demandons pas mieux : travaillons-y du moins avec le sens, la résolution et la logique qui conviennent à un peuple sérieux.

En attendant, l’Angleterre, rassurée sur ses difficultés extérieures et coloniales, satisfaite d’avoir, par l’habileté d’un des membres les plus remarquables de son aristocratie, lord Elgin, ouvert à son commerce les deux débouchés du plus extrême orient, la Chine et le Japon, va reprendre l’élaboration de ses institutions politiques. Plus que jamais, la nouvelle réforme électorale paraît devoir être la grande affaire de la prochaine session. Les discours que M. Bright a prononcés à Birmingham sur cette vaste question ont soulevé sans doute des protestations bruyantes au sein de l’aristocratie et même des classes moyennes. M. Bright n’en a pas moins été choisi par les réformistes radicaux, réunis au café de Guildhall, pour préparer un projet de réforme et le présenter à la chambre des communes au nom des libéraux indépendant. En acceptant cette mission, M. Bright a témoigné plus de modération qu’il n’en avait montré dans les meetings de Birmingham. Il n’a plus répété ses éloquentes déclamations contre l’aristocratie territoriale et les pairs ecclésiastiques; il s’est au contraire montré préoccupé des difficultés pratiques qu’il devait rencontrer même dans les rangs de son parti. Cette modération de M. Bright est très digne de remarque. Elle illustre une fois de plus une vérité que nous avons trop souvent négligée en France, à savoir qu’une part de pouvoir, d’initiative, de commandement, de responsabilité, donnée aux esprits en apparence les plus téméraires, les calme aussitôt, et les oblige à compter avec ces difficultés multiples que présentent les affaires humaines, et dont la conciliation successive est tout l’art du gouvernement. C’est en effet un pouvoir véritable qui vient d’être conféré à M. Bright par ses amis. On lui assigne le rôle d’un chef parlementaire : on lui donne une autorité qui entraîne, comme toutes les autorités, la nécessité des tempéramens et la responsabilité d’une conduite générale. La mission nouvelle acceptée par M. Bright nous paraît de nature à rassurer le cabinet de lord Derby sur l’issue des luttes de la session prochaine. Elle rend en effet définitives les scissions opérées l’année dernière dans le parti libéral. Trois bills de réforme différens se trouveront en présence : celui du ministère, celui de lord John Russell et celui de M. Bright. Aucun de ces projets ne peut compter sur une majorité assurée. La question sera donc résolue par une transaction qui sans doute ne coûtera pas le pouvoir à lord Derby. Dans tous les cas, il n’est pas possible que lord Palmerston conserve à travers ces débats la direction du parti whig, laquelle sera probablement reprise avec autorité par le chef naturel du parti libéral, lord John Russell.


E. FORCADE.




Œuvres complètes de Edgar Quinet[1].

Nous avons déjà signalé l’édition des œuvres complètes de M. Edgar Quinet, et nous y avons trouvé l’occasion d’une étude sur les différentes phases qu’a traversées ce généreux esprit. Le dixième volume, qui vient de paraître et

  1. Xe volume, Histoire de mes Idées, chez Pagnerre.