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éclairée, une vague inquiétude régnait sur ce point. Aussi la lettre du 8 novembre a-t-elle été un soulagement pour la conscience publique. La France de la révolution condamne l’esclavage et tout ce qui peut lui ressembler. La France de la révolution n’aime pas à laisser à d’autres peuples le monopole des sentimens généreux et l’initiative des émancipations civilisatrices. Nous ne voyons donc point seulement dans la lettre de l’empereur une concession honnête et habile aux justes susceptibilités de l’opinion publique dans un pays voisin : nous y voyons surtout l’inspiration des sentimens spontanés de la France.

La triste affaire du Charles-et-George ne laissera point un mauvais souvenir dans l’histoire contemporaine, puisque c’est à cet incident que nous serons redevables du résultat annoncé par la lettre impériale. Dans cet ordre d’idées, nous ne craindrons pas de dire que les ennuis causés par cette affaire au Portugal ne seront point sans compensation pour cette puissance. Nous écartons le fait de la restitution du navire réclamé. au Portugal; suivant nous, si des faits de traite avaient été commis par le Charles-et-George, et si ce navire eût été saisi dans les eaux portugaises, la juridiction du Portugal eût été légitime. Le Charles-et-George a-t-il été pris dans les eaux portugaises? Le Portugal disait oui, mais la France disait non. La France, ne considérant pas la saisie du navire comme opérée dans les eaux portugaises, ne pouvait abandonner le Charles-et-George à une juridiction étrangère. Rien dans une réclamation pareille n’était de nature à porter atteinte à l’honneur du Portugal, et on trouvera tout naturel que nous ayons, dans une question semblable, une prévention favorable pour la thèse soutenue par le gouvernement de notre pays. Ce fait écarté, le roi et le peuple de Portugal se sont honorés, nous le reconnaissons, même aux yeux de la France, par l’énergie avec laquelle ils ont, en cette circonstance, manifesté leur opposition à la traite et à tout ce qui lui ressemble. Dans le discours qu’il vient de prononcer à l’ouverture des chambres, le jeune roi de Portugal annonce que tous les documens relatifs à l’affaire du Charles-et-George seront publiés. Nous ne croyons pas trop nous avancer en disant que ces documens, lus partout avec intérêt, seront jugés avec une impartialité dont le Portugal n’aura point à se plaindre.

Si les peuples heureux sont ceux qui n’ont point d’histoire, rien ne manque, à l’heure qu’il est, au bonheur de la France, car nous ne sachions pas que, sauf l’importante lettre de l’empereur, dont nous venons de parler, nous ayons à mentionner aucun fait dans l’histoire au jour le jour de notre calme et silencieuse patrie. Sur ce point, l’Europe en ce moment ne suit pas tout à fait notre exemple. Quelques petits pays constitutionnels, tels que la Belgique et le Portugal, ont déjà repris leurs travaux parlementaires annuels. D’autres, comme l’Espagne et la Prusse, font des élections générales. L’Angleterre enfin, suivant son habitude, fait publiquement les préparatifs de sa prochaine session. Dans ce réveil de l’activité politique dont les symptômes apparaissent à peu près partout autour de nous, c’est la Prusse surtout qui attire l’attention, et appelle l’encourageante sympathie du libéralisme européen.

Pourquoi ne le dirions-nous pas? Même pour un étranger, pourvu qu’il