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droit de co-propriété consacré par le temps. On avait déjà coupé court à l’accroissement indéfini de ces biens par une série de mesures dont la plus efficace avait été l’édit de 1749, rédigé par le chancelier d’Aguesseau, qui défendait à l’église de recevoir aucun immeuble, soit par donation, soit par testament, soit même par, échange, sans lettres-patentes du roi enregistrées au parlement. Le moment était venu de faire un pas de plus. Les chefs du clergé reconnaissaient la nécessité d’une réforme et même d’une réduction. On pouvait, d’accord avec eux, supprimer et mettre en vente les couvens devenus inutiles, surtout dans les villes, et réaliser par ce moyen 400 millions au moins, qu’ils consentaient à affecter à la garantie de la dette publique. Parmi les biens productifs, on pouvait en aliéner une partie pour payer les dettes du clergé lui-même et soumettre les autres à tous les impôts supportés par la généralité des propriétaires, ce qui n’était plus contesté par personne, comme on peut s’en convaincre par le texte à peu près unanime des cahiers du clergé. On pouvait enfin décréter, ce qui ne souffrait pas beaucoup plus de difficultés, que les biens des bénéfices qui viendraient à vaquer à l’avenir, du consentement de l’autorité ecclésiastique, seraient vendus successivement. Une grande partie des revenus du clergé consistant en rentes perpétuelles, la décision qui avait rendu ces rentes rachetables suffisait d’ailleurs pour que, dans un temps donné, le sol en fût affranchi.

Cette liquidation faite, le clergé, tant séculier que régulier, serait resté en possession de 5 milliards environ d’immeubles, y compris les bâtimens; c’était encore beaucoup sans doute, ce n’était pas trop en présence des charges qu’il avait à supporter. La charité publique et l’instruction gratuite absorbent aujourd’hui bien au-delà des 50 millions dont il aurait pu disposer, et il aurait eu de plus à conserver l’éclat de ces splendides abbayes, chefs-d’œuvre de tous les arts catholiques, dont la destruction afflige aujourd’hui les regards. Nos campagnes ont beaucoup perdu en p:udant ces établissemens séculaires, qui les avaient défrichées primitivement, et qui animaient encore de leur présence les coins les plus reculés. Il y avait régné autrefois de grands désordres, car les institutions monastiques ont mérité tour à tour le bien et le mal qu’on en a pu dire; mais la plupart de ces désordres n’existaient plus, et ce qui en restait était facile à réprimer. Tout le monde y donnait les mains, le clergé surtout, dont la grande majorité réclamait une distribution plus égale des revenus et le rétablissement de la discipline. Parmi les articles du 11 août, il en était un qui interdisait le cumul des bénéfices au-delà d’un revenu de 3,000 livres.

Je sais bien qu’aux yeux de certains réformateurs qui répétaient