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la seconde puisse se passer de la première, mais elle n’en doit être qu’une application: les physiologistes ne sont pas uniquement des médecins, mais ceux-ci ne peuvent guérir les maladies que s’ils connaissent l’état de santé. La chimie, dont le développement logique est un modèle excellent pour les autres sciences, était d’abord purement théorique, et les alchimistes lui faisaient faire peu de progrès. Les applications arrivèrent, et elle commença de se constituer. Aujourd’hui elle est assez avancée pour comporter des généralités. De même la physiologie, d’abord peu distincte de la philosophie, ne s’est perfectionnée que par une étroite union avec la médecine, comme les applications à la direction des navires ont contribué aux progrès de l’astronomie. Pourtant peu à peu la route est tracée, et les deux sciences doivent se séparer. Du moment que l’on a vu que la maladie et la mort étaient des modifications de la nature vivante, il a fallu étudier celle-ci, et la science de la vie s’est placée au-dessus de la médecine. Dans toutes deux, les procédés sont identiques, et l’expérimentation doit dominer. Magendie ne se serait jamais, comme Archimède, excusé envers la postérité d’avoir appliqué son génie à des inventions pratiques; mais les deux sciences sont assez avancées, assez importantes, assez compliquées, pour que chacune ait ses adeptes.

M. Duchenne de Boulogne, l’auteur des applications dont il s’agit, est un médecin plutôt qu’un physiologiste. Quoique son livre parle au nom des deux sciences, je doute qu’il se fût fort occupé des relations de l’électricité avec les nerfs et les muscles, s’il n’avait espéré y trouver des remèdes nouveaux. Il n’est pas d’ailleurs le premier qui ait suivi cette voie, et, si sa tentative est plus intéressante par la manière dont il l’a exposée, par les appareils qu’il a inventés, par la précision de ses expériences, et surtout par le progrès qu’elle a fait faire à l’étude de la physiologie, elle est loin d’être la première application de l’électricité à la pathologie. Les maladies sont toujours plus ou moins mystérieuses, et la tentation est grande d’employer pour les guérir ce qu’on ne comprend pas. C’est ce qui devait arriver nécessairement pour une force aussi singulière, aussi inexplicable dans sa cause que variable dans ses effets. Je ne parle point d’un essai tenté déjà avant Galien pour appliquer l’électricité à la guérison des malades, mais dès 1748 Jallabert avait remarqué l’action singulière des étincelles d’une machine électrique sur la rapidité du pouls, la chaleur du corps et même les mouvemens. Bientôt l’abbé Sans, et peu après Mauduyt et Mazars de Cazelles, publièrent des mémoires sur le même sujet avec des observations diverses, des raisonnemens et peu d’expériences. L’électricité devint alors à la mode, et chacun voulut en essayer. Malheureusement