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vraie et triomphante, est renversée par une autre meilleure, qui explique plus de faits, et qui, à son tour, disparait pour faire place à la première, démontrée de nouveau. Les nouvelles raisons sont excellentes, seulement elles sont diamétralement opposées à celles qui avaient d’abord fait prévaloir la théorie remise en honneur. Ainsi Galvani avait fait en 1790 sa célèbre expérience. Il avait suspendu une grenouille par un crochet de cuivre à un barreau de fer. La grenouille était morte, et pourtant aussitôt ses membres s’étaient agités. L’électricité qui agissait dans ce cas, Galvani l’attribuait à la grenouille elle-même, à ses muscles, et le fer et le cuivre n’étaient à ses yeux que des conducteurs. On sait que cette théorie, dès son apparition, fut combattue par Volta, qui attribuait au contraire le courant au contact du cuivre et du fer, et qui, en voulant démontrer son hypothèse, découvrit la pile à laquelle on a donné son nom. De son côté, Galvani continua ses expériences, et ce n’est qu’après sa mort que l’électricité voltaïque, d’ailleurs bien constatée et employée à tant d’usages, cessa d’expliquer la première expérience qui semblait l’avoir manifestée. On découvrit dans le muscle même de la grenouille un courant que Galvani, dans une expérience quelque temps oubliée, avait démontré en produisant l’électricité par la simple application du nerf crural sur la jambe de l’animal. Pourtant Volta ne se trompait pas en affirmant que le fer et le cuivre produisaient un courant électrique, et ils avaient ainsi tous deux à moitié tort, à moitié raison. L’expérience de Galvani a été souvent répétée depuis, et le phénomène exactement étudié. Il n’est pas spécial à la grenouille, comme une expression employée mal à propos l’a souvent fait croire. Ces animaux sont plus commodes pour les expériences, et voilà tout. Des courans identiques existent dans tous les muscles, et avec les appareils si sensibles dont les physiciens disposent aujourd’hui, on a pu les constater et en étudier la force, le sens, la production. M. Du Bois Raymond surtout s’est acquis dans ce genre de recherches une grande habileté et une juste renommée. Il a vu que l’électricité, mise en évidence par l’expérience de Galvani, est une électricité propre au nerf, mais au nerf moteur seulement. En outre, un autre courant est très appréciable dans le muscle lui-même ; il est dirigé de la coupe longitudinale à la coupe transversale, sans qu’il soit possible de rendre ces deux courans solidaires l’un de l’autre. Aucun des deux n’existe dans la moelle épinière. A quoi donc sert cette extrême complication? On ne le sait, et il paraît impossible de le prévoir. L’électricité existe partout, se développe partout. Le moindre contact, la plus faible action chimique détermine un courant, ou, comme on dit pour les besoins de la théorie, sépare les deux