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nent avec eux jusqu’à la moelle. Effectivement, lorsqu’on éthérise un animal, on voit la sensibilité disparaître d’abord dans la racine motrice, puis à la peau et enfin dans la moelle, et il est clair que la sensibilité doit disparaître d’abord à l’extrémité des nerfs, puis dans les parties centrales. Elle doit suivre une marche contraire, lorsqu’elle reparaît.

La sensibilité des nerfs moteurs due au retour, au repli des nerfs sensitifs, avait été appelée la sensibilité récurrente. Les expériences avaient été souvent répétées par Magendie et ses élèves, lorsque M. Longet, qui avait eu peut-être quelques droits à cette découverte, voulant faire des observations nouvelles, prépara des animaux par le procédé connu, et remarqua que jamais la racine motrice n’était sensible. L’expérience, a-t-il dit, fut répétée trois cent trente fois, et jamais la sensibilité ne fut constatée. M. Magendie tenta de renouveler ses expériences, et à son tour il ne retrouva plus la sensibilité récurrente tant de fois observée par lui. Ce qu’il avait vu en 1822, il ne pouvait plus le voir en 1839, et pourtant les conditions paraissaient les mêmes, les animaux étaient de même espèce, le même opérateur agissait, les instrumens étaient identiques. Que conclure? Les animaux avaient-ils perdu une faculté, peu importante peut-être, mais réelle? Avait-on mal vu dans un des deux cas? Cela était peu probable. M. Magendie s’occupait peu, comme on sait, de chercher des conclusions, il était sûr de l’habileté de ses mains et de sa précision, et il se contenta d’imprimer les deux faits avec son dédain supérieur pour les théories.

Les choses en restèrent là pendant quatre ans, et la sensibilité récurrente avait disparu de la science, lorsque M. Bernard y appliqua les qualités de son esprit et de son scalpel, non plus comme un élève de Magendie, mais comme un maître. Les expériences de M. Longet furent très exactement répétées, et le résultat fut d’abord identique; mais il remarqua bientôt quels troubles doit produire dans l’organisation une expérience qui tranche la peau du dos, ouvre l’épine dorsale et dissèque la moelle épinière. La peau même devient moins sensible, et la douleur et l’épuisement produisent un effet analogue à celui du chloroforme. Il fit reposer l’animal; au bout de quelques heures, la sensibilité de la peau reparut, et bientôt après la sensibilité récurrente était retrouvée. L’expérience fut souvent répétée, et toujours le nerf moteur irrité aussitôt après l’opération était insensible, tandis que le contraire arrivait quelques heures après. Si Magendie et M. Longet avaient obtenu des résultats opposés en 1822 et en 1839, c’est que le hasard avait voulu que dans le second cas les chiens eussent toujours été observés immédiatement après l’opération, tandis que dans le premier ils avaient