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diplomatique ; il ne croit pas non plus que ce soit une victoire : il se tient dans une mesure excellente. Il déclare nettement que « le gouvernement de l’empereur s’était prononcé pour l’union complète des deux principautés sous le gouvernement d’un prince étranger qu’aurait rattaché au sultan un lien de suzeraineté. Sa conviction à cet égard ne s’est pas modifiée. » Le gouvernement français a donc été vaincu dans le congrès de 1858 : pourquoi le nier ? Nous savons gré au gouvernement de cette attitude de vaincu qu’il prend résolument ; elle lui servira dans l’avenir, elle l’honore dans le présent. Toute autre attitude eût été une fiction que le silence de la presse aurait été forcé de couvrir, mais qui n’eût trompé personne. — Eh quoi ! disent les déclamateurs, la France aura donc été vaincue ! — Eh oui ! comme en 1840, et même plus qu’en 1840, mais sans déshonneur non plus, maintenant ses convictions et attendant l’avenir. Si vous voulez que la France, pour n’être jamais vaincue, fasse partout et toujours prévaloir ses opinions, vous voulez alors que la France soit la dictatrice de l’Europe. Elle l’a essayé sous le premier empire, et elle a échoué avec toute sorte de malheurs publics et privés. Voulez-vous recommencer ? Il y a des gens qui croient que l’empire de 1852 gagne quelque chose à se rapprocher de l’empire de 1804. Il gagne au contraire à s’en éloigner. Loin de vivre par ses ressemblances avec le premier empire, il vit par ses différences. Ce n’est pas nous qui nous plaindrons, si ces différences, manifestes à l’extérieur, deviennent chaque jour plus visibles à l’intérieur.


II.


Est-il vrai cependant que la France dans le congrès de 1858 ait été aussi complétement vaincue que nous le disons ? M. le comte Walewski, dans sa circulaire, « aime à croire que les efforts du gouvernement français en faveur des principautés n’ont pas été sans succès. » Examinons donc la convention du 19 août 1858, non point dans ses détails, mais seulement dans ce qui touche à la constitution diplomatique des principautés et à leur état en Europe.

M. le comte Walewski s’applaudit beaucoup, dans sa circulaire du 20 août, du titre de principautés-unies qu’a obtenu la Roumanie. Ce titre, dit-on, est un principe, et le principe aura tôt ou tard ses conséquences. Dieu le veuille ! nous avons en France une confiance en la force et la vertu des principes dont rien jusqu’ici n’a pu nous corriger. Nous croyons de bonne foi qu’il suffit de proclamer un principe pour le faire vivre. Tous nos principes vivent, j’en suis sûr : ils ont été proclamés assez souvent pour cela ; mais ils n’a-