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dans une auberge célèbre par un lit monumental dans lequel peuvent coucher à la fois vingt personnes, j’ai compté jusqu’à deux cents malt-houses, et à Bishop-Storford, une ville non éloignée de la première, soixante établissemens très considérables du même genre[1]. Dans l’Essex, les fabriques de malt sont favorablement situées le long de la rivière Lea, qui se décharge dans la Tamise près de Barking, et sur les bords du canal qui communique avec Londres. Dans le Suffolk et le Norfolk, elles se groupent près des nombreux petits ports de mer qui entourent les côtes de ces deux comtés. La physionomie de tels établissemens ne manque point d’un certain style. Le bâtiment, très long, est généralement construit en briques avec un toit qui a la forme d’un A. Au sommet de ce bâtiment peu élevé se présente comme seul objet remarquable un immense capuchon de tôle, qui se tourne avec le vent, et qui, placé sur la souche de la cheminée, joue vis-à-vis de la fumée indécise le rôle de conducteur. Une de ces maisons que j’ai vue à Brancaster, joli village situé à un quart d’heure de la mer, avec une ceinture de dunes et des marais dans lesquels se répandent les flots tumultueux aux heures de la haute marée, peut être considérée comme un type de cette architecture sévère et pratique. Elle a été bâtie il y a plus d’un siècle. C’est, m’a-t-on dit, la plus grande qui existe en Angleterre, assertion aujourd’hui contestable, mais qui était exacte au temps passé. Les bâtimens ont cent sept mètres de longueur, un double toit anguleux, quatre capuchons de tôle indiquant qu’il y a quatre fourneaux, deux citernes pouvant contenir huit mille boisseaux d’orge, — autant qu’en pourrait porter un vaisseau de petite taille. Ce vaste établissement, je regrette de le dire, ne travaille point; il y a peu de personnes qui disposent de capitaux suffisans pour alimenter une pareille exploitation. On assure, et je le crois volontiers, que cet établissement était autrefois soutenu par de nombreuses demandes venues de la Hollande, dont la côte s’étend juste en face de la côte de Norfolk.

L’intérieur des malt-houses est occupé par une citerne (steep), qui se trouve à un bout du bâtiment, et par un four (kiln), qui s’allume à l’autre extrémité. La citerne, d’une forme généralement carrée, en pierre, reçoit une quantité d’eau pure qui recouvre la quantité d’orge destinée à être transformée en malt, environ de 800 à 1,000 boisseaux. Dans ces réservoirs, l’orge reste au moins quarante

  1. Les soixante malt-houses de Bishop-Storford font, m’a-t-on dit, autant de besogne que les deux cents maisons de Ware, dont quelques-unes sont relativement petites, quoique d’autres fabriquent par an jusqu’à 130,000 boisseaux d’orge germée. C’est là (à Bishop-Storford) que la fameuse brasserie Truman, Hanbury et Buxton fait convertir son orge en malt.