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devant nous aussi noblement voilées que dans la rue, Vandell les salua en arabe, et je l’imitai. — À revoir, monsieur, me dit en français la plus petite et la plus mince des deux femmes. Je reconnus le à revoir, monsieur, du carrefour d’Alger. Cette fois le vieux Abdallah n’était plus là, et sans prendre le temps de délibérer, je les suivis.

— Vous savez à qui vous avez affaire ? me dit Vandell.

— Je m’en doute, lui répondis-je, mais j’ai des raisons que je vous dirai pour m’intéresser à celle des deux qui m’a dit : À revoir.

Les deux femmes se séparèrent au bout de la rue. Je laissai s’éloigner la grande amie, et j’accompagnai l’autre. Elle ne tourna pas la tête une seide fois, du moins je ne le vis pas. Après quelques circuits, elle arriva chez elle ; le quartier était désert, la rue arabe, la maison arabe. Elle poussa la lourde porte en s’y appuyant de tout le corps et disparut. J’arrivais sur ses pas, et je vis la porte qui retombait par son propre poids et tremblait encore sur ses gonds ; on n’avait pas mis l’arc-boutant, et quelque chose comme un courant d’air la faisait encore et par intervalle faiblement s’entr’ouvrir. J’attendis une demi-minute, incertain de ce que j’allais faire ; la porte se rouvrit : la femme était devant moi qui me regardait par l’échancrure de son masque, avec des yeux dont je ne voyais qu’un point fixe et lumineux comme un diamant. — N’entrez pas, me dit-elle en sabir, c’est-à-dire en italien barbare ; mais venez demain, à midi.

Te l’avouerai-je, mon ami ? Je fus pris au dépourvu par une cordialité si prompte, et je répétai seulement : Demain, à midi.

Vandell faisait sentinelle au bout de la rue. — Eh bien ? me dit-il.

— Eh bien ! j’irai demain.

Je le mis en deux mots au courant de notre première rencontre. Il connaît Sid-Abd-Allah ; qui ne connaît-il pas ? Le marchand est un homme de bien à la loyauté de qui l’on peut se fier, et l’avis qu’il m’a donné de prendre garde vaut un conseil. — Quant à la femme, ajouta Vandell, pour peu que vous teniez à savoir son histoire, nous irons trouver le barbier Hassan, et nous le ferons causer, s’il est en humeur d’être indiscret.

L’enquête est-elle bien utile dans une affaire de si médiocre intérêt ?


26 février.

Vandell m’a conduit hier soir chez le barbier Hassan,

Hassan veut dire cheval ; mais proprement ce mot signifie le plus bel animal et le plus beau. C’est un nom fier, qui ne va pas toujours bien à ceux qui le portent ; pour notre ami le barbier de Blidah, on