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REVUE. — CHRONIQUE.

quelques-unes de ces légères modifications qui altèrent l’essence de la beauté. Oh ! les délicats sont bien à plaindre !

Un de ces hommes de goût et de cœur comme il y en a peu malheureusement, un ami de Charlet, qui a raconté la vie du peintre en un livre plein de faits intéressans et d’une émotion communicative, M. de Lacombe, ancien colonel d’artillerie, dont le beau talent sur le cor est connu et apprécié depuis longtemps, me disait, en parlant des Noces de Figaro : « Si la musique des plus beaux opéras que nous connaissons est l’œuvre du génie, celle de Mozart est l’inspiration d’un dieu. — Très bien ! lui dis-je, vous appliquez heureusement le mot de Rousseau comparant la mort de Socrate à celle de Jésus-Christ. »

Le Théâtre-Lyrique ne se prive pas pour cela de nouveautés. Il cherche aussi et de bonne foi un musicien, mais un musicien qui ait quelque chose sous la mamelle gauche, qui ne soit pas un perroquet habile venant répéter ce qu’il entend dire autour de lui depuis qu’il est au monde. Est-ce pour cela qu’il a cru devoir donner au commencement de la saison un opéra en deux actes intitulé la Harpe d’or, de M. Félix Godefroid ? L’auteur de cet ouvrage et l’administration qui lui a prêté son appui auraient dû être plus prudens. M. Godefroid est un virtuose de mérite, qui a fait de la harpe, dont il joue avec habileté, un instrument particulier sur lequel il y aurait bien des choses à dire. Ses compositions pour ce noble instrument, dont il a dénaturé un peu le caractère, ne sont que des fantaisies de courte haleine, sans développement et, disons le mot, dépourvues de style. Ses opérettes de salon, ses romances, sa musique de piano, car M. Godefroid a touché à toutes les cordes, ne l’avaient nullement préparé à prétendre aux honneurs d’un opéra en deux actes, qui exige plus que des étincelles mélodiques et des ramages de notes sans cohésion. Il y a pourtant quelque chose dans la Harpe d’or, qui a fourni honorablement un certain nombre de représentations où le ténor Michot, qui possède une voix si vibrante et si chaude, a trouvé l’occasion de placer avantageusement un si naturel de poitrine. Il est évidemment plus fort que celui de ses confrères qui ne pourrait donner qu’un si bémol ! C’est pourtant pour avoir trop aimé les ut et les si de poitrine que nous sommes dans un si bel état. Ce qui vaut mieux que la Harpe d’or, c’est un joli opéra en deux actes qui lui a succédé et qui s’intitule Broskovano, une histoire de bandits dont je ne veux point épouvanter les lecteurs de la Revue. L’auteur de la musique de Broskovano, M. Déffès, s’était déjà recommandé à l’attention des directeurs par deux petits ouvrages en un acte, l’Anneau d’argent et la Clé des champs, qui n’avaient point passé inaperçus au théâtre de l’Opéra-Comique. Il y a du talent dans la musique de Broskovano, de la franchise dans le style, de la vivacité, le sentiment des situations et plus de verve que d’originalité. Le public a fait à l’œuvre nouvelle de M. Deffès un si bon accueil qu’il a droit à être écouté plus longuement dans un très prochain avenir. Que le temps lui soit léger !

Le théâtre de l’Opéra-Comique médite, étudie et prépare sans doute quelques grands coups qui puissent exciter la curiosité publique en sa faveur, ce dont il me semble avoir grand besoin. En attendant, il existe, s’il ne vit pas, il existe du produit de son fonds, fonds solide, qui pourrait être d’un