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d’un style libre et familier. Peut-être, si nous voulions entrer dans une appréciation détaillée de ce petit ouvrage, aurions-nous à reprocher à l’auteur d’avoir embrassé un sujet trop vaste et d’avoir écourté les questions abordées par lui. Peut-être aussi trouvera-t-on qu’il n’a point été aussi hardi que sa préface le promettait, et qu’il n’a pas pris les libertés que se refuse la presse quotidienne. Mais, loin de chercher de petites chicanes au candidat libéral du département d’Eure-et-Loir, nous applaudissons à sa tentative. Il est bon de parler au pays de ses affaires ; il est bon de protester contre l’oisive et impuissante abstention ; il est bon que ceux qui n’ont point renoncé à la vie publique renouent par la presse, en l’absence d’autres moyens, ces relations politiques de citoyen à citoyen, et ne laissent point le corps électoral s’en aller en poussière.

Il y a peu de jours, en Angleterre, un des membres les plus considérables du parlement, un ancien et l’on peut ajouter un futur ministre, un homme que sa naissance et sa fortune placent aux premiers rangs des classes conservatrices, mais que son intelligence et sa probité politique ont enrôlé dans la cause libérale, un des amis de sir Robert Peel, en un mot M. Sidney Herbert, a rendu un magnifique hommage au rôle joué par la presse dans la vie politique de l’Angleterre. C’était dans une réunion qui inaugurait un de ces athénées d’ouvriers que l’aristocratie et les classes moyennes multiplient chez nos voisins au profit du peuple. M. Sidney Herbert, le héros de la fête, a prononcé, sur l’instruction populaire et sur les délassemens intellectuels des travailleurs, un discours plein d’intérêt : les journaux, dans un pareil sujet, ne pouvaient point être oubliés. « Les journaux, a dit l’illustre homme d’état, nous fournissent plus que des nouvelles ; ils nous présentent les discussions les plus admirables sur toutes les questions contemporaines. Je ne crois point qu’aucun pays ait jamais vu une littérature d’improvisation comme celle-là pénétrée d’aussi profondes pensées. Il n’y a pas de questions au dedans ou au dehors, pas de questions politiques et très peu de questions scientifiques, qui ne soient discutées avec une admirable supériorité dans la presse quotidienne de ce pays. Les articles qui paraissent dans les journaux sont la condensation en un petit espace de nombreuses lectures et de profondes méditations. Et nous qui n’avons pas beaucoup de temps à notre service, — nous sommes tous dans ce siècle pressés par le temps, — nous obtenons ainsi le résultat de grands travaux et de vastes pensées sous une forme que je pourrais appeler, suivant le langage des manufacturiers du Lancashire, « un article achevé. » Croyez-moi, celui qui ferme les yeux à l’histoire contemporaine écrite par les journaux est incapable de satisfaire aux besoins et aux intérêts de la société. » Homme d’état appelé au pouvoir par sa vocation, éloquent et mâle orateur, membre de la chambre des communes, M. Sidney Herbert, avec une abnégation qui fait honneur à la droiture de son esprit et de sa conscience, avoue que la presse en grandissant diminue le rôle du parlement dans le mécanisme des libertés anglaises, et il ne le regrette point, il s’en félicite au contraire, parce qu’en instruisant les masses, la presse élargit chaque jour le cercle des citoyens informés des affaires de leur pays et capables d’en apprécier la conduite. Nous n’aurons pas le courage de comparer la presse française actuelle à ce portrait superbe