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nous en effet où l’autorité politique semblait venir d’en haut comme une religion, et avait, elle aussi, ses mystères. L’arcanum regni, depuis longtemps percé à jour par les philosophes et les lettrés, n’existe plus pour les sociétés industrielles et commerçantes du XIXe siècle. Nous savons tous que le gouvernement n’est que la gestion de la chose sociale ; actionnaires dans cette vaste commandite, nous savons souvent aussi bien, quelquefois mieux que les plus habiles, comment doivent être conduites nos affaires collectives. Le pouvoir politique, quelque parure que lui prêtent de vieux décors du passé, est dépouillé devant les générations contemporaines de ce prestige mystique où l’on adorait autrefois le principe d’autorité. L’autorité est maintenant en nous tous, elle dérive de nous ; celle que possède le pouvoir n’est que la délégation de la nôtre.

Nous conservons donc vis-à-vis du pouvoir tous les droits de contrôle, et au besoin d’initiative, que le mandant a sur son mandataire. Ce sont ces droits qui dans le langage politique s’appellent des libertés : liberté de la presse par exemple, liberté et publicité des discussions dans les conseils du pays. Un peuple qui, ayant ces droits-là, ne les exercerait pas, qui négligerait l’étude de ses intérêts, abandonnerait la surveillance de ses affaires, refuserait de donner à son gouvernement les lumières et les inspirations que seul il est en mesure de fournir, un tel peuple se précipiterait lui-même dans la décadence, et ne tarderait pas à être puni de cet oubli de ses devoirs par de longues perturbations et de douloureux désastres. Voilà les conséquences que nous redouterions des restrictions apportées à certaines libertés, si elles devaient être prolongées outre mesure. L’éducation politique de la France n’est déjà malheureusement que trop imparfaite : les tristes issues de nos révolutions le disent assez. Ce sont de nouveaux dangers et de nouvelles fautes que nous voudrions prévenir, lorsque nous demandons avec anxiété que l’on détourne les obstacles qui retardent encore l’apprentissage politique si nécessaire à notre pays.

On ne se tromperait pas sur le sentiment qui nous dirige, si l’on tenait compte des symptômes qui annoncent que nos préoccupations sont partagées en France par un grand nombre d’esprits désintéressés. Elles se sont récemment trahies dans ces discours officiels où de grands personnages protestaient contre les excès de la centralisation, et faisaient appel aux énergies individuelles. Elles se manifestent, on peut le dire, dans les conversations des hommes de tous les partis, et nous ne serions pas surpris de les entendre s’exprimer désormais avec une liberté et une force croissantes. On les retrouve et on les retrouvera de plus en plus dans les brochures, cette forme de publicité qui semble particulièrement adaptée à la situation actuelle de la presse. Nous signalerons parmi les écrits de ce genre un petit volume que nous avons sous les yeux : De la Liberté et du Gouvernement. L’auteur, M. H. Bosselet, était candidat à la députation, lors des dernières élections générales, dans le département d’Eure-et-Loir. Il avait réuni, comme candidat libéral, plus de 10,000 voix. C’est à ses électeurs qu’il adresse sa brochure. « Je me sers, dit-il, du seul organe indépendant : le livre. » Nous ne prétendons point juger ce petit livre de M. Bosselet. C’est une sorte de catéchisme politique des doctrines du libéralisme moderne écrit