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scrupules, la crainte, le changement des intérêts, les variations de la passion, mille incidens divers peuvent rendre fort incertain l’accomplissement de tout projet homicide. Cependant le meurtre reparaît avec une régularité et dans une relation fixe avec certaines circonstances connues qui en rendent les retours comparables au mouvement des marées et à la marche des saisons. Aussi peut-on dire que la statistique a plus éclairé l’étude de la nature humaine que toutes les autres sciences réunies. Elle n’est pas la seule pourtant qui doive être consultée, et rien ne prouve que les sciences physiques, en faisant connaître les rapports de la nature avec l’humanité, ne doivent pas devenir un des flambeaux de l’histoire. Une barrière artificielle a été élevée entre les sciences physiques et les sciences morales, et une sorte de dédain réciproque a séparé ceux qui cultivent les unes de ceux qui s’adonnent aux autres. Il est temps de mettre un terme à cette opposition funeste aux progrès du savoir et de la société.

Le climat, la nourriture, le sol et l’aspect général de la nature sont les agens physiques dont la race humaine ressent le plus puissamment l’influence. Le dernier influe particulièrement sur l’imagination et produit des superstitions dont l’empreinte se retrouve dans le caractère et la religion des peuples. Des trois premiers résultent les plus importantes conséquences pour l’organisation de la société. Au premier rang se place l’accumulation de la richesse, quantité variable à laquelle se mesure en général le progrès, car l’énergie du travail et l’abondance de ses produits en dépendent. On sait quelle différence se manifeste à cet égard entre le nord et le midi, et quels sont les rapports de la température avec la fertilité du sol et l’activité de l’homme. La richesse est immédiatement produite par ceux qui travaillent, mais le revenu qui naît du travail se divise entre la classe la plus intelligente et la classe la plus active, entre les travailleurs et ceux qu’on pourrait appeler les inventeurs, deux classes dont la formation est bientôt suivie de celle d’une troisième, la classe qui épargne ou capitalise. Ces trois classes touchent, la première des salaires, la seconde des profits, la troisième des intérêts. On conçoit que la proportion qui préside à cette distribution dépend en grande partie du chiffre et du mouvement de la population et notamment de la population laborieuse. Celle-ci croît en raison de l’abondance de la nourriture et de l’action du climat. Or la question de l’alimentation ne peut être éclaircie que par la connaissance des lois chimiques et organiques de la nutrition, et les besoins de la nutrition sont à leur tour sous l’empire de la température. La quantité et la qualité des alimens pourraient être réglées en partie par l’inspection du thermomètre. Ici