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la mort de Djounka-Dji, égorgé dans le camp du vainqueur, ni les tortures qu’il avait fait souffrir à leur allié Ibrahim-Khan, tombé vivant entre ses mains. Le nom de Nadjib-Oul-Dowlah était donc exécré des Mahrattes; cependant ceux-ci ne tardèrent pas à traiter avec lui. Il s’agissait de soustraire le faible empereur mogol Shah-Alam à la tutelle des Anglais, qui le retenaient dans leur camp à la suite d’une guerre maladroitement entreprise contre eux, et, pour arriver à ce but, il devenait nécessaire de s’entendre avec le grand-vizir. Celui-ci, sentant sa fin prochaine, accepta, les propositions des Mahrattes. Avant de rendre le dernier soupir, il plaça la main de son fils Zabit-Khan dans celle de Touka-Dji-Holkar, réclamant ainsi la protection de cette famille puissante et honorable qui inspirait le respect et la confiance.

A peine Nadjib-Oul-Dowlah avait-il fermé les yeux, que Holkar et Sindyah devinrent, comme les deux héros dont ils portaient le nom, non-seulement les chefs les plus considérés de la confédération mahratte, mais encore les deux plus grands personnages de toute l’Inde. Les Mahrattes, dont aucun obstacle n’entravait la marche, arrivaient à Dehli, exaltés par le souvenir de la défaite de Paniput et fort animés contre Zabit-Khan, fils de Nadjib-Oul-Dowlah, qu’ils eussent certainement maltraité, si Touka-Dji-Holkar ne l’eût pris sous sa protection, ainsi qu’il l’avait promis à son père. Pendant ce temps, Madha-Dji-Sindyah allait au-devant de l’empereur Shah-Alam. Celui-ci s’évadait du camp des Anglais et rentrait dans sa capitale, conduit par ces ambitieux cavaliers qui le gardaient comme un otage tout en le replaçant avec pompe sur le trône de ses aïeux. Les Mahrattes mettaient à profit leur séjour dans l’Hindostan. Ils occupaient le Doab, ravageaient le pays des Rohillas, enlevaient les trésors amassés par Nadjib-Oul-Dowlah dans son fort de Nadjibgarh, et pesaient de tout le poids d’une autorité violente sur le faible empereur qui s’était jeté entre leurs bras. Serviteur empressé et esclave nominal du sultan Shah-Alam, Madha-Djile tenait courbé sous sa main puissante. Le fier Mahratte exerçait le commandement dans la capitale de l’empire avec une indépendance si complète, qu’il devait le léguer à son successeur comme une part d’héritage.

Sur ces entrefaites mourait auprès de Pounah, à l’âge de vingt-huit ans, le peshwa Madhou-Rao; il ne laissait pas de postérité, et sa veuve se brûla sur son cadavre. Son jeune frère Naraïn-Rao, nommé peshwa après lui, ne tarda pas à périr assassiné dans une émeute militaire. L’histoire a accusé Ragounâth, — l’oncle de ces jeunes peshwas, — d’avoir trempé dans le meurtre de Naraïn-Rao. Suspect à ce dernier par suite de ses intrigues, qui faisaient pressentir une complète usurpation, Ragounâth se trouvait emprisonné