Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quand nous connaissons le caractère d’une personne. Sa conduite trompe-t-elle notre attente, nous ne l’attribuons ni à quelque caprice de la libre volonté ni à quelque arrangement surnaturel, mais à quelque circonstance inconnue qui pesait sur la personne, ou à l’insufîisance de nos données sur sa nature morale, ou plutôt sur les opérations ordinaires de son âme. Il suit que les actions des hommes, étant uniquement déterminées par leurs antécédens, doivent avoir un caractère d’uniformité, ou dans les mêmes circonstances produire les mêmes résultats.

La matière d’une histoire philosophique se compose donc de l’esprit humain et de ses lois, de la nature et de ses lois. L’une modifie l’autre et réciproquement ; de là tous les événemens possibles. Le problème de l’histoire est la recherche de la méthode propre à nous découvrir les lois de cette double et mutuelle modification. Avant de savoir lequel des deux modificateurs est le plus puissant et par lequel il faut commencer, il est bon de donner des preuves de la régularité avec laquelle se succèdent les phénomènes de l’ordre moral ou de l’esprit humain. Remarquez seulement que l’investigation ne peut être sûre et instructive, si elle est faussée et comme obstruée par une hypothèse théologique ou métaphysique. C’est ce qu’on ne peut craindre pour des inductions fondées sur des preuves de statistique et traduites sous une forme mathématique. Les découvertes ainsi obtenues non-seulement attestent la régularité de la succession des phénomènes, mais doivent inspirer la confiante espérance d’atteindre à des découvertes plus nombreuses et plus importantes. Ainsi les actions des hommes se divisent naturellement en bonnes et mauvaises qui, mises ensemble, composent toute notre conduite morale. Si donc nous pouvons constater une certaine uniformité dans le vice, il s’ensuivra une régularité correspondante dans la vertu. Si les mauvaises actions varient suivant les changemens de la société ambiante, les bonnes doivent être soumises à une variation analogue, et la conséquence en sera que ces variations résultent de causes étendues et générales, qui opèrent sur l’ensemble de la société indépendamment de la volonté des individus. C’est donc un point capital que d’avérer s’il existe une telle régularité dans l’ensemble de la conduite morale d’une société donnée, et c’est là précisément une des questions sur lesquelles la statistique a répandu une vive lumière.

Le meurtre est le crime qui semble le plus livré à l’arbitraire, et. pour ainsi parler, le plus irrégulier. Tantôt il est le terme et comme le couronnement d’une longue suite d’actions criminelles, tantôt il est le produit immédiat d’une impulsion soudaine. Lorsqu’il est prémédité, il exige un concours de circonstances favorables. Les