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veillé à la vue de leur capitale menacée, Nizam-Ali craignit de les pousser au désespoir, et la paix fut conclue, mais au préjudice de ces mêmes peuples qui, après avoir pénétré en vainqueurs dans la ville de Dehli quelques années auparavant, en étaient réduits à payer au prix de grands sacrifices la rançon de leur propre capitale. Sur ces entrefaites, le jeune peshwa Madhou-Rao, — fils de Balla-Dji, tué à Paniput, — avait été contraint de céder l’autorité à son oncle Ragounâth-Rao, dont le nom se lie aux guerres interminables qui désolèrent le Carnatic et tout le sud de l’Inde de 1772 à 1784. Ce dernier crut affermir sa puissance en appelant ses amis dévoués aux postes les plus importans, mais son imprudence, ses manières hautaines excitèrent contre lui des haines et des jalousies. Un de ses ennemis les plus acharnés, un brahmane comme lui, du nom de Vittal-Soundar, qui remplissait l’office de ministre auprès du musulman Nizam-Ali, conseilla à son maître d’intervenir directement dans les affaires des Mahrattes, en déclarant régent du royaume Djano-Dji-Bhounslay, dont le père, sorti, comme Holkar et Sindyah, d’une humble position, avait acquis dans les armées un haut rang et une certaine influence.

A l’époque où Nizam-Ali se préparait à suivre le conseil de son ministre, trois années à peine s’étaient écoulées depuis le grand désastre de Paniput. Ragounâth, qui usurpait le titre de peshwa, n’avait pu réunir une armée bien considérable pour résister à la nouvelle attaque de Nizam-Ali, décidé à soutenir le régent qu’il venait de proclamer. Néanmoins Molhar-Rao-Holkar, fidèle même à celui qui n’était le peshwa que par usurpation, prit parti pour Ragounâth. Le vieux guerrier entraîna vivement ses troupes sur le territoire ennemi. Au lieu de risquer une bataille contre Nizam-Ali, supérieur en forces, il le dépassa, ravagea les districts du prétendant Djano-Dji-Bhounslay, pilla les provinces mogoles et déconcerta son adversaire. Déjà les Mahrattes menaçaient Hyderabad, capitale de la vice-royauté du Dekkan. Nizam-Ali, craignant peu pour cette ville, défendue par de solides murailles, se jeta à son tour du côté de Pounah. Les villages de la plaine furent incendiés, et la famille du peshwa, contrainte de se réfugier dans la forteresse de Singarh, abandonna au milieu des flammes un grand nombre de manuscrits et de papiers importans. L’avantage restait donc à Nizam-Ali; mais son protégé Djano-Dji-Bhounslay, qui ne se fiait point en ses promesses, prêta l’oreille à des propositions venues de Ragounâth. Les Mahrattes qui servaient encore avec les Mogols et soutenaient les intérêts de Djano-Dji passèrent du côté du peshwa ; le prétendu régent déserta lui-même et vint faire sa paix. À ce moment, Ragounâth se jeta à l’improviste sur les Mogols. Le combat fut acharné et ne dura pas moins de deux