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notamment à cette époque, les plans développés par les généraux Bedeau et de Lamoricière dans des rapports officiels. Il était donc tout simple que, dès leur avènement au pouvoir et à l’influence politique, ces mêmes hommes fussent très activement préoccupés de la question africaine. Ils se trouvaient d’ailleurs secondés dans cette prédilection, qui de leur part était si légitime, par un nouveau courant d’idées qui portait instinctivement la France à chercher au dehors les moyens d’écouler et de discipliner une population inquiète. On songe toujours aux colonies en temps de révolution. On voit en elles un expédient nécessaire, un lieu de refuge et de repos, ou, si l’on veut, un exutoire où se déportent d’elles-mêmes les imaginations trop ardentes qui, aspirant aux choses nouvelles et mal à l’aise dans le modeste horizon de la mère-patrie, se laissent séduire par les lointaines perspectives, Il en fut ainsi lors de notre première révolution, comme on peut en juger par un mémoire peu connu de Talleyrand, et nous avons assisté en 1848 à la réalisation, trop précipitée il est vrai et mal combinée, de cette même pensée, lorsque furent créées ces malheureuses colonies agricoles que le gouvernement essaya d’inaugurer en Algérie à l’aide d’élémens pris au hasard dans les faubourgs de nos villes. En résumé, bien que par des causes trop faciles à comprendre, ces plans de colonisation aient misérablement échoué, il n’en demeure pas moins certain que, sous l’influence des anciens généraux d’Afrique et sous la pression des événemens, une plus grande part de l’attention publique fut en 1848 attirée vers les affaires de l’Algérie. L’Algérie entrait décidément en scène ; elle était inscrite à la première page dans le programme du gouvernement nouveau.

On pouvait craindre que, sous la dictature du général Cavaignac, représentée au ministère de la guerre par le général de Lamoricière, la lutte, depuis longtemps engagée sur le terrain de l’Algérie, et avec des forces si inégales, entre l’élément militaire et l’élément civil, ne tournât complètement à l’avantage du premier. Cette appréhension fut démentie par les faits. Les deux généraux, il faut leur rendre cette justice, ne se laissèrent pas entraîner plus avant sur la pente du régime militaire, qui, depuis l’origine de la conquête, avait été strictement appliqué à la colonie. Ils favorisèrent, plus qu’on n’aurait osé l’espérer d’eux, l’action de l’administration civile. Pendant que la constitution plaçait l’Algérie sous le régime de la loi et consacrait en principe l’assimilation si souvent réclamée, le chef du pouvoir exécutif augmentait le nombre et les attributions des fonctionnaires civils. Quant à la question commerciale, dont nous nous occupons ici plus spécialement, elle ne fut point oubliée. Le 26 octobre 1848, le ministre du commerce, de concert avec celui de la guerre, institua une commission pour examiner les réformes qu’il convenait d’apporter à la législation de 1843. Ce fut le point de départ des études approfondies qui aboutirent à la loi du 11 janvier 1851.

L’impulsion était donnée. Le président de la république n’hésita pas à suivre, relativement aux tarifs algériens, la voie qui venait d’être ouverte.