Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/871

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans le Cayor, est très recherché dans le haut pays, où il manque entièrement, et si l’on ne peut croire sur parole, sans trop se faire violence, les voyageurs qui prétendent que dans l’intérieur de l’Afrique le sel se troque poids pour poids contre l’or, une telle exagération indique assez bien la valeur excessive qu’acquiert, dans les contrées qui en sont privées, cette substance indispensable sous tous les climats à l’organisme humain. Une plante nouvelle et déjà populaire en Europe, le sorgho à sucre, a fait récemment son apparition au Sénégal, grâce à quelques graines envoyées par le ministre de la marine. Cette graminée y a très bien réussi, et même elle a mis les observateurs sur la voie de propriétés industrielles méconnues jusqu’alors dans les mils indigènes, que la botanique classe aussi parmi les sorghos. On a constaté que la tige du gros mil, plus forte que dans l’espèce de Chine, renferme une moelle rouge aussi riche en sucre et en alcool que la moelle verte de cette dernière. On a remarqué aussi que l’écorce d’une autre variété servait aux noirs pour teindre les cuirs en rouge, rapprochement qui acquiert de l’intérêt, quand on pense aux propriétés analogues reconnues dans le sorgho de la Chine[1].

Pour compléter cet aperçu de la production agricole et industrielle du Sénégal, il convient de donner quelques renseignemens sur le mouvement commercial. Nous aurons résumé à peu près tout ce qu’on connaît du commerce intérieur, en disant qu’il se fait par an à Bakel pour 4 ou 5 millions d’affaires, dans lesquelles la gomme seule figure pour moitié, à Sénédébou pour 50 ou 60,000 fr., et en ajoutant que la traite du fleuve occupe environ 400 navires, montés par 400 traitans et 2,600 laptots ou matelots, et jaugeant chacun de 10 à 200 tonneaux. Pour le commerce extérieur, les informations sont plus nombreuses et plus précises, grâce à la douane. En 1856, le commerce de Saint-Louis a donné lieu à un mouvement d’affaires d’une valeur de 11,206,179 francs[2]. Le chiffre des transactions de 1856 est tombé de 4 millions de francs environ au-dessous de l’année 1854[3], résultat qui ne peut être attribué qu’à la guerre,

  1. On peut en voir des échantillons, ainsi que de tous les produits du Sénégal, dans la très intéressante exposition des colonies, organisée à Paris par le ministère de la marine, rue de Rivoli.
  2. Cette somme se décompose ainsi : exportations, 3,533,838 francs ; importations, 7,672,841 francs. Dans les exportations, les marchandises du cru comptent pour 3,204,454 francs, celles réexportées pour 328,884 francs. La France a fourni près de la moitié des importations, pour une somme de 3,574,428 fr. ; le reste se partage d’une façon fort inégale entre les colonies françaises, qui figurent pour 450,719 fr. seulement, et l’étranger pour 3,647,694 francs.
  3. Ces renseignemens ainsi que plusieurs autres sont empruntés à l’Annuaire du Sénégal. Le compte-rendu le plus récent publié dans les Tableaux de population, de culture, de commerce et de navigation qui émanent du ministère de la marine est celui de 1854, qui résume ainsi le mouvement commercial de Saint-Louis :
    fr.
    Avec la France 10,050,833
    Avec les colonies françaises. 795,986
    Avec l’étranger et les entrepôts de France 3,743,618
    Total 15,190.437 fr.


    Nous n’avons pu consulter avec fruit les Tableaux du commerce français que publie la douane française, parce que ce document ne fait connaître le commerce des colonies que dans leurs rapports avec la France, sauf pour l’Algérie. Il serait désirable que l’innovation introduite depuis quelques années pour cette dernière colonie fût étendue aux autres.