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rent ; le Globe voulut donner à la révolution poétique la philosophie de l’art, dont elle ne se doutait pas. Brizeux arrivait à Paris au moment même où les premiers numéros du Globe agitaient le monde littéraire. Ce fut alors, il l’a dit souvent, qu’il entendit les appels de la Muse. Il fallait les vives excitations de Paris pour dégager et faire épanouir dans son intelligence tout ce qu’il apportait de la Bretagne. Sans parler des trésors de poésie qu’il avait ramassés aux bords du Scorf et de l’Ellé, il avait fait d’excellentes études aux collèges de Vannes et d’Arras ; l’écolier de l’abbé Lenir était peut-être mieux préparé que personne à s’inspirer de la critique nouvelle sans rien perdre de son indépendance. Ce ne fut pas une inspiration artificielle qu’il reçut ; la lecture du Globe lui révéla ce qu’il était. Cette élévation de vues unie à la justesse, tant d’audace et de mesure, une liberté si fervente, un spiritualisme si pur, toutes ces choses le ravirent. Il passa plusieurs années à Paris, fort peu assidu aux cours de l’École de droit, mais visitant les musées, étudiant dans les bibliothèques, goûtant les fines lectures d’Andrieux et s’exaltant aux leçons de M. Cousin.

Il avait décidément renoncé à l’étude du droit pour courir les chances de la vie littéraire. Son coup d’essai fut une petite comédie en vers, intitulée Racine, et représentée au Théâtre-Français le 27 septembre 1827. On connaît l’histoire de la troisième représentation des Plaideurs. M. de Valincour, ami de Racine et son successeur à l’Académie, la raconte agréablement dans sa lettre à l’abbé d’Olivet. Cette piquante anecdote est le sujet de la comédie de Brizeux[1]. La pièce avait été reçue dès le commencement de l’année 1826, au moment où M. Charles Magnin donnait à l’Odéon une comédie en prose sur la même aventure, Racine ou la troisième représentation des Plaideurs[2]. M. Magnin, avant de devenir une des lumières de la critique et de l’érudition française, avait donné cette jolie pièce, « voulant, — dit M. Sainte-Beuve[3], — marquer son goût pour les ouvrages de nos grands poètes, sa familiarité dans leur commerce, et témoigner agréablement qu’il avait qualité comme critique des choses de théâtre. » M. Magnin allait enrichir le Globe d’excellens articles sur les représentations théâtrales, et personne n’ignore avec quelle hauteur de vues, avec quelle finesse et quelle largeur d’érudition il suit dans tous les sens les vicissitudes de la scène depuis ses origines. On chercherait vainement un rapport analogue entre la comédie de Brizeux et les poèmes qui ont illustré son nom. Il en parlait rarement et semblait l’avoir rayée de la liste de ses œuvres. Ceux qui en retrouveront le texte, devenu rare aujour-

  1. Elle a été écrite en collaboration avec M. Philippe Busoni.
  2. Jouée à l’Odéon le 16 mars 1826.
  3. Voyez l’article sur M. Magnin dans la Revue du 15 octobre 1843.