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VI

La grotte de Saint-Loup est plus poétique et plus mystérieuse que jamais. Le capillaire a repoussé, l’eau limpide de la source se suspend en diamans sur ses rameaux flexibles, et le ruisseau coule doucement entre deux rives fleuries. Un épais gazon couvre la terre, et des branches de rosiers du Bengale tapissent les flancs du rocher de leurs élégantes guirlandes, qui retombent en lourds bouquets sur le sol. Cette grotte silencieuse, qui fut autrefois l’asile de l’amour, est aujourd’hui celui de la mort. Mos de Lavène y repose sous le vert gazon qui s’étend sur elle comme un manteau de velours. L’éclat des roses du Bengale qui fleurissent sur sa tombe trahit les soins de Noélie.

Un petit enfant aux cheveux flottans, à la blanche tunique, égaie souvent le tableau. Ses yeux bleus, son profil délicat et sa douce nature rappellent celle qui, du haut des cieux, lui a servi de marraine. C’est la fille de Noélie et de Marcel ; elle aime à jouer avec les roses du tombeau de la pauvre mos, son aïeule. Parfois un âne caduc et blanchi se traîne, en broutant quelques feuilles sèches, aux alentours de la grotte.

La place de Fabriac a toujours ses grands alisiers, sa fraîche fontaine et son public bruyant : Sur le passage des châtelains de Saint-Loup, les paysans suspendent leurs travaux, les enfans leurs ébats, les jeunes gens leurs danses ; tous se découvrent avec respect, et pensant au bonheur qu’aurait éprouvé la bonne mos si elle avait vécu, et au dévouement maternel qui a causé sa mort : Pécaïre ! disent-ils avec regret, pécaïre !

Et l’écho plaintif des grandes roches grises répète sur la tombe de Madeleine : Pécaïre !


CLAIRE SENART.