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de sa fille ; il semblait à Madeleine que Noélie ne pouvait trouver un époux plus accompli que Marcel, et que la jeune Parisienne était bien assez riche pour tous deux. Se rappelant la bonté, la bienveillance que la châtelaine avait témoignées à son fils, elle croyait reconnaître dans ces douces prévenances une affection presque maternelle, et elle résolut de décider maître Lavène à tenter une démarche auprès de la noble veuve. Après bien des difficultés, le notable de Fabriac y consentit. Le vieux curé du village fut l’intermédiaire discret et dévoué de la famille auprès de Mme de Presle. Celle-ci, plus étonnée que charmée de l’ambition des Lavène, reçut assez froidement l’ouverture du bon prêtre. Elle répondit au curé que Noélie était bien jeune encore pour qu’on songeât à la marier, que d’ailleurs son désir était de l’établir à Paris, où se trouvaient ses parens. Elle avait accueilli le jeune docteur avec une bienveillance toute naturelle, et lui avait voué dès le premier jour une affection qu’il méritait du reste ; mais elle n’avait jamais pensé qu’il pût prétendre à la main de sa fille, et lorsqu’elle avait découvert son amour pour Noélie, sa prudence maternelle avait dû l’éloigner du château.

Maître Lavène s’écria qu’il avait bien prévu cet échec ; il était fier, et la souffrance que ressentit son orgueil blessé retomba sur la pauvre Madeleine. Marcel se laissa aller à tout le désespoir d’un amour malheureux. La mos assura que toute espérance n’était pas perdue, et elle désira avoir une entrevue avec la châtelaine.

— Dieu n’a pas créé les femmes paysannes ou comtesses, pensait-elle ; mais toutes il les a faites mères, et Mme de Presle finira par nommer mon Lavenou son fils, si Noélie l’aime véritablement.

Lorsque Madeleine se présenta au château, Noélie, qui avait deviné le sujet de l’entretien mystérieux du curé avec sa mère, s’était décidée à avouer à Mme de Presle le tendre sentiment qui l’unissait à Marcel. — Vous savez bien, avait-elle ajouté, que Paris ne me plaît guère ; le séjour du midi, pour époux celui que j’aime, ce château solitaire et votre douce compagnie, voilà mes rêves ! — Hector avait joint ses instances à celles de sa sœur ; Jeannette, la nourrice de Noélie, avait usé de son droit de conseillère, et l’excellente veuve, en proie aux plus grandes perplexités, agitait sans cesse la tête, de telle façon que les boucles de sa chevelure flottaient autour d’elle comme l’image des hésitations de son esprit. La mos trouva donc la châtelaine fort ébranlée déjà, et le récit touchant qu’elle fit de l’amour de son fils émut beaucoup Mme de Presle. Après mille incertitudes, la bonne dame trouva enfin une solution qui conciliait à la fois le vœu de ceux qu’elle aimait et les convenances de la société. Un concours allait s’ouvrir à la faculté