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Fleur d’or, où trois frères, trois envoyés de l’amour éternel, sont si harmonieusement associés. Le premier est saint Jean, le disciple bien-aimé, celui qui a prononcé les plus tendres, les plus chrétiennes paroles de la loi du Christ :


Tous ces mots de géhenne et de peuple maudit,
Sur ses lèvres de miel nul ne les entendit ;
Mais ces mots : « aimez-vous, enfans, les uns les autres, »
Voilà ce que disait le plus doux des apôtres.


Le second est Raphaël ; il a reçu le don de la beauté, il a trouvé des formes célestes pour peindre les vierges, les enfans et les anges, il a créé tout un peuple d’idéales figures pour charmer les regards et purifier l’esprit de l’homme. Le curé d’Arzannô eût été sans doute un peu scandalisé de voir le peintre d’Urbin placé de la sorte auprès de saint Jean ; mais qu’eùt-il dit en voyant apparaître tout à coup, transfiguré sous un rayon du christianisme, le troisième personnage de cette glorieuse famille ? Le théologien eût protesté tout haut, le bon maître aurait souri tout bas. Troublé et séduit tour à tour, après avoir grondé son élève, il aurait répété avec délices ces vers si purs, se rappelant qu’au moyen âge une tradition populaire avait fait de Virgile un chrétien :


L’évangéliste Jean, le peintre Raphaël,
Ces deux beaux envoyés de l’amour éternel.
Ont un frère en Jésus, digne que Jésus l’aime.
Bien qu’il soit né païen et soit mort sans baptême.
Virgile est celui-là : tant l’aimable douceur
Au vrai Dieu nous élève et fait toute âme sœur !
Donc, comme une couronne autour de l’Évangile,
Inscrivez ces trois noms : Jean, Baphaël, Virgile ;
Le disciple fervent, le peintre au pur contour.
Le poète inspiré qui devina l’amour.


Les notes qui me sont communiquées sur l’école du curé d’Arzannô confirment de tout point les peintures que le poète en a faites. L’emploi de la journée, les pieux exercices entremêlés à l’étude, les offices chantés à pleine tête et les leçons apprises dans les champs, le presbytère et la lande en fleurs, la règle et la liberté, je retrouve là tout ce que Brizeux a décrit. J’y vois de plus que, sans annoncer encore une vocation poétique, il était vif, ardent, toujours prêt à questionner, à provoquer le maître, qui ne demandait pas mieux que de sentir ainsi l’aiguillon ; de là des entretiens, des sympathies particulières entre l’excellent prêtre et l’enfant qui devait le glorifier un jour. Je trouve aussi des notes fort curieuses sur l’enseignement de l’abbé Lenir, sur sa manière d’apprendre le latin à ses élèves, sur les différentes périodes de cette école si originale, la période titanique et la période homérique. La première se rapporte aux années révolutionnaires et aux guerres de la Vendée ; la seconde,