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Le 7 mars 1799, j’en reçus le prix. Sur la demande de la première autorité maritime de Rochefort, je fus nommé au commandement de la frégate la Mignonne. Commander une frégate ! c’était le rêve de mes jeunes années, l’ambition la plus haute que je pusse concevoir. Au-dessous d’une frégate, il n’y a point, à vrai dire, de bâtiment de guerre, de même qu’au-dessous d’un vaisseau il n’y a point de bâtiment de ligne. Ces dénominations de corvettes, de frégates et de vaisseaux n’ont, du reste, qu’un sens relatif. La plupart des frégates construites par les Américains étaient de force à prêter sans trop de désavantage le côté à un vaisseau ; mais avant cette dérogation aux antiques règles de l’architecture navale, les frégates, lorsqu’elles sortaient de leur rôle habituel de croiseurs pour être attachées à une flotte, se contentaient d’éclairer la marche de l’armée, de répéter les signaux des amiraux et de donner la remorque aux vaisseaux désemparés. Elles entraient alors dans la classe des non-combattans, et, par une sorte de convention tacite, dernier vestige de la chevalerie, tant qu’elles ne prenaient pas elles-mêmes une attitude agressive, elles avaient le droit de compter, de la part des vaisseaux ennemis, sur les égards que l’on accorde généralement au sexe le plus faible. Ce fut une bordée courroucée de l’Orion qui coula la Sérieuse au combat d’Aboukir. Le capitaine Saumarez éprouva, dit-on, le besoin de s’en justifier, en faisant observer que la frégate avait la première ouvert le feu sur son vaisseau. Certes cette courtoisie n’allait pas jusqu’à empêcher les frégates d’être de bonne prise quand elles venaient à tomber sous la volée d’un navire portant deux ou trois batteries ; mais tant qu’il y avait des vaisseaux ennemis à combattre, c’était contre eux qu’un vrai bâtiment de ligne commençait par user sa poudre. Ce qui faisait la faiblesse des frégates et les rendait pour un vaisseau presque inoffensives, ce n’était pas le moindre chiffre de leurs canons, c’était l’impuissance de leur calibre. Les grandes frégates portaient du calibre de 18 ; les boulets des frégates semblables à la Mignonne ne pesaient que 12 livres. Aussi, pendant qu’on désignait le rang d’un vaisseau à deux ponts par le nombre de ses pièces, qu’on avait ainsi des vaisseaux de 80 ou de 74, et même de 64, on distinguait la classe d’une frégate par le poids de ses projectiles. La marine française possédait des frégates de 18, des frégates de 12, et jusqu’à des frégates de 8. La Mignonne, bâtiment de 900 tonneaux, était une frégate de 12. Elle portait trente-six pièces : vingt-six canons de 12 dans sa batterie, et dix canons de 6 sur ses gaillards. Son équipage, officiers et matelots compris, était de 275 hommes. C’était, on le voit, quelque chose d’analogue à nos grandes corvettes d’aujourd’hui, un bâtiment de la force de la Capricieuse ou de la Bayonnaise. Je ne crois