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gloire. Tu as brisé les forces et l’altière audace de Pharaon, guerrier féroce. Ses chefs choisis ont couvert de leurs débris l’abîme de la mer ; ils sont, comme la pierre, descendus jusqu’au fond. Ta colère les a soudain attirés, comme la flamme attire et consume la paille desséchée.

« Plein de confiance en l’appareil de ses navires, le superbe tyran qui tient asservies les têtes de nos frères et met leurs bras au service injuste de sa puissance a de ses mains abattu les cèdres à la cime altière, et l’arbre qui se dressait le plus haut vient boire des eaux étrangères en foulant de sa tige intrépide un territoire interdit.

« Les faibles ont tremblé, confondus de cette fureur impie. Il a haussé le front contre toi, seigneur Dieu, et d’un visage insolent étendant ses deux bras armés, il a remué sa tête furieuse ; il a fortifié son cœur d’une ardente colère contre les deux Hespéries que baigne la mer, parce que, assurées en toi, elles lui résistent, et qu’elles se revêtent des armes de ta foi et de ton amour.

« Il a dit dans son arrogance et ses mépris : Elles ne connaissent, ces contrées-là, ni mon courroux, ni les exploits de mes aïeux. Auraient-elles osé les combattre à la suite du Hongrois timide et dans la guerre de Dalmatie et de Rhodes ? Qui les a pu délivrer ? qui de leurs mains a pu sauver ceux d’Autriche et les Germains ? Leur Dieu pourra-t-il par hasard aujourd’hui les préserver de ma main vengeresse ?

« Leur Rome tremblante et humiliée a converti ses cantiques en larmes. Elle et ses fils affligés attendent ma colère, et la mort après la défaite. La France est ébranlée de discordes, et en Espagne une affreuse mort menace quiconque honore les bannières du croissant. Ces nations belliqueuses sont occupées à leur propre défense, et ne le fussent-elles pas, qui peut me faire offense ?

« Des peuples puissans m’obéissent, baissent la tête sous le joug, et, pour se sauver, me tendent la main. Leur valeur est vaine, parce que leurs jours penchant vers leur déclin s’obscurcissent, que leurs braves marchent il la mort, que leurs vierges sont captives, que leur gloire a passé à mon sceptre. Du Nil au fécond Euphrate et au froid Danube, tout ce que le soleil contemple est à moi.

« Toi, Seigneur ! toi qui ne souffres pas que ta gloire soit usurpée par celui qui estime sa propre force au gré de son orgueil et de sa colère, ce superbe ennemi, vois comme il a, dans sa victoire, dégradé tes autels ! Ne souffre pas qu’il opprime ainsi les tiens, qu’il nourrisse de leurs cadavres les bêtes féroces, qu’il atteste sa haine dans leur sang répandu, et qu’ayant fait cette insulte, il dise : Où est le Dieu de ces hommes ? de qui se cache-t-il ? »


Le beau mouvement par où débute cette strophe ne peut échapper à aucun lecteur. Le poète continue :


« Pour la gloire méritée de ton nom, pour la juste vengeance de ton peuple, pour les gémissemens de tant de malheureux, tourne ton bras tendu contre celui qui s’indigne d’être homme… Trois et quatre fois frappe d’un châtiment rigoureux ton ennemi, et que l’injure faite à ton nom soit l’erreur fatale de sa vie !…