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voyageurs à faire au sujet de la valeur de leurs effets une déclaration dont la vérification contradictoire par la compagnie serait irréalisable en pratique, il est d’autre part indispensable d’exiger cette déclaration, lorsque parmi ces effets se trouvent des objets d’une grande valeur, notamment des sommes d’argent considérables. La question a été posée mainte fois devant les tribunaux, et ils en ont donné trois solutions différentes. Les uns s’appuient sur une disposition du cahier des charges déjà mentionnée, et qui ne fait aucune distinction entre les valeurs expédiées isolément et celles renfermées dans un colis ; ils donnent tort au voyageur qui, en s’abstenant de toute déclaration et faute d’acquitter le droit exceptionnel de transport pour une somme d’argent contenue dans sa malle, quelque minime qu’elle soit, ne met pas la compagnie en mesure de prendre des soins proportionnés à l’importance du dépôt, et la prive du bénéfice légitime auquel elle a droit : ils décident que ce voyageur agit alors à ses risques et périls. — Les autres, ne s’attachant qu’aux obligations des entrepreneurs de transport à l’égard des objets qui leur sont confiés et à l’impossibilité pour le voyageur d’exercer une surveillance personnelle sur ses bagages, admettent la responsabilité entière des compagnies en cas de perte des valeurs qu’ils renferment. C’est ainsi que, tout récemment, un voyageur réclamait à une compagnie qui avait égaré son sac de nuit une trentaine de mille francs, à titre de dommages-intérêts et de restitution d’une somme de 25,000 francs en or qu’il avait eu l’imprudence de mettre dans ce sac, sans aucun avertissement. La compagnie offrait, suivant l’usage, une centaine de francs. Un pareil écart entre ces prétentions réciproques devait amener les parties devant la justice. Le tribunal de première instance avait décidé d’abord en faveur du voyageur ; mais en appel la compagnie du chemin de fer a eu gain de cause. — À mon avis, les deux systèmes contraires sont également inadmissibles ; il vaut mieux chercher la vérité dans un arrêt très longuement motivé de la cour d’Angers, à laquelle il appartient d’avoir dernièrement, dans un cas fort net, posé les vrais principes de la matière. Le supérieur d’un collège de l’un de nos départemens de l’ouest, allant passer ses vacances scolaires dans une ville du midi, emportait dans sa malle une somme de 1,300 fr. pour subvenir à ses frais de voyage et de séjour, sans avoir fait de déclaration à cet égard lors de l’enregistrement de ses bagages. La malle ayant été perdue, la compagnie déclinait toute responsabilité en se fondant sur l’absence de déclaration et de paiement du droit de transport des matières d’or ou d’argent. La décision du tribunal de première instance avait cette fois été rendue en faveur de la compagnie. C’est alors que, sur l’appel du voyageur, est intervenu l’arrêt auquel je fais allusion.