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produisent trop souvent malgré de légitimes précautions. Si j’ajoute que toutes ces mesures sont prescrites par un règlement d’administration publique, on sera en droit de s’étonner que toutes les compagnies n’aient pas adopté le parti, beaucoup plus rationnel et plus convenable à tous égards, de les transcrire purement et simplement, en indiquant qu’elles sont extraites de l’ordonnance royale de 1846, dont un article mentionne positivement l’extrait à placer dans chaque caisse de voiture. N’est-il pas évident que cette sorte de code des règles à observer par le voyageur durant le trajet aurait beaucoup plus de prestige, si, au lieu de la formule vague « par ordre supérieur, » qui semble empruntée à quelque annonce foraine, le public avait sous les yeux le texte même du règlement, qui serait utilement accompagné d’une indication de la sanction pénale attribuée à ce règlement par la loi spéciale du 21 juillet 1845 ? Cette modification de l’usage suivi à cet égard par quelques compagnies de chemins de fer n’est-elle pas d’autant plus essentielle que, suivant le pouvoir qui leur est conféré, elles mentionnent, à la suite des dispositions qu’on vient de rappeler, que le public est tenu d’obtempérer aux injonctions de leurs agens, chargés de faire observer ces dispositions ?

Il importe de remarquer, au sujet de ce droit attribué aux agens des compagnies de chemins de fer, droit qui peut aller jusqu’à contraindre un voyageur à descendre de voiture, qu’il est indispensable que les mesures coërcitives qu’ils peuvent ainsi se trouver obligés de prendre vis-à-vis du public soient justifiées par des motifs plausibles. Ces mesures nécessaires, il faut en convenir, sont d’ailleurs strictement limitées à ce qui est indispensable : elles ne donnent point, par exemple, le pouvoir aux agens d’une compagnie de s’emparer, ce qui est arrivé une fois, du manteau et du chapeau d’un voyageur trouvé dans une voiture de deuxième classe avec un billet de troisième et refusant de payer la différence du prix qui lui était réclamée. Néanmoins ce voyageur, pour rentrer en possession de ses effets, a dû en demander la restitution aux tribunaux, qui ont rappelé à cette occasion ce principe sacré, que les compagnies des chemins de fer ne doivent jamais perdre de vue : elles ne peuvent se faire justice elles-mêmes, leur droit se borne à une constatation régulière du fait illégal et à une action par les voies régulières en recouvrement de la somme à laquelle peut être évalué le préjudice.

À cette question des billets des chemins de fer se rattachent quelques détails qu’ils n’est pas inutile de faire connaître. Par suite d’une de ces interprétations abusivement littérales que n’excuse pas suffisamment le respect profond que la justice doit avoir pour le texte de la loi, un tribunal avait décidé que la disposition réglementaire qui défend d’entrer dans une voiture sans avoir pris un