Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/641

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a été mieux inspiré lorsqu’il a cherché dans le Wreck Register une statistique des sinistres maritimes arrivés à des navires anglais le long des côtes et sur les mers de la Grande-Bretagne ; toutefois le chiffre de 4,348 décès, correspondant à la période de 1852 à 1856, est également insuffisant, puisqu’on ne peut le considérer qu’indépendamment du nombre des marins exposés. Cependant il n’est pas douteux qu’il n’y ait une certaine analogie entre la navigation maritime et le parcours d’un chemin de fer. Des deux côtés, on trouve parmi les causes d’accidens les brouillards, les fautes du personnel, les erreurs de signaux ; les collisions y jouent aussi un grand rôle. La justesse du rapprochement apparaît mieux encore, si l’on jette les yeux sur ces cartes de la Géographie physique de la mer, où le lieutenant Maury[1] trace, à l’aide des conquêtes de cette expérience nautique à laquelle il convie toutes les marines du globe, les routes les plus avantageuses pour les navires à vapeur qui voyagent entre l’Europe et l’Amérique. On y trouve, comme sur les chemins de fer à double voie, une route spécialement affectée, par la force des choses, à chacun des grands parcours,, de telle sorte que les collisions entre deux navires marchant en sens contraire deviennent impossibles.

Je ne me suis occupé à dessein, pour bien isoler la question de la sécurité des voyageurs, que des accidens arrivés à ceux-ci tant par le fait de l’exploitation que par, des causes qui en sont totalement indépendantes, et notamment par l’imprudence des victimes. Il est cependant deux autres grandes catégories d’individus qui perdent la vie ou se font blesser sur les chemins de fer. La première, qui ne peut trouver place ici, c’est le personnel des compagnies elles-mêmes, qui, par le nombre, les fonctions qu’il remplit, les attributions légales qui lui sont conférées, les questions de salaire, d’épargne, de recrutement, d’hygiène, de travail, etc., qu’il soulève, je dirais presque par le rôle social qu’il joue aujourd’hui, mérite une étude spéciale. La seconde comprend les autres personnes, — pour emprunter l’expression même dont se sert la commission d’enquête, attentive à distinguer les résultats donnés par la statistique en ce qui concerne ces individus, qui ne sont ni des voyageurs, ni des agens des compagnies. Pour citer un exemple qui montre nettement la nécessité d’introduire cette distinction, je mentionnerai un fait qui peut intéresser particulièrement le moraliste : depuis l’origine du réseau français, 45 suicides ont eu lieu sur nos chemins de fer. Le nombre total des autres personnes victimes de leur imprudence ou de faits indépendans de l’exploitation s’élève au 31 décembre 1856 à 82, dont 34 tués et 48 blessés. Il doit être complété

  1. Voyez, sur le lieutenant Maury et son œuvre, la Revue du 1er et du 15 mai 1858.