Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/627

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et des devoirs réciproques, dont la connaissance, trop peu vulgarisée encore, est si utile pour apprécier avec équité le rôle de ces grandes associations qui ont atteint, par la force des choses, les proportions des administrations de l’état elles-mêmes.


I. — CIRCULATION DES VOYAGEURS SUR LES CHEMINS DE FER.

Au risque d’être accusé de remonter au déluge, je ne puis me dispenser de rappeler succinctement les conditions dans lesquelles s’effectuaient autrefois les voyages. Il me faudra même les considérer sous le rapport de la cherté, de la célérité et de la sécurité, pour que le lecteur puisse juger en parfaite connaissance de cause s’il a gagné ou perdu à l’avènement du dernier mode de transport, mode destiné peut-être, — du moins l’allure incessamment progressive de l’humanité permet de le prédire, — à être remplacé ultérieurement lui-même par un autre plus perfectionné.

On peut voir dans l’Almanach royal de 1774 comment s’opérait, il y a moins d’un siècle, le trajet de Paris aux principales villes de France. La distance de Paris à Lyon ne se franchissait qu’en cinq ou six jours, suivant la saison ; on allait de Paris à Châlon par terre et de Châlon à Lyon par la Saône ; le prix du voyage était de 100 livres, y compris la nourriture du voyageur. Vingt ans auparavant, les conditions étaient les mêmes : il y avait pendant toute l’année une voiture partant alternativement, tous les deux jours, de Paris ou de Lyon, « ce qui fait, lit-on dans l’Almanach du citoyen (1754), auquel on peut emprunter de curieux détails sur l’industrie des transports sous le règne de Louis XV, qu’elle arrive régulièrement la veille de son départ dans les deux villes. » Maintenant en trains omnibus on parcourt les 507 kilomètres qui séparent Paris de Lyon en 19 h. au plus, pour un prix moyen de 43 francs. Le voyage de Paris à Bordeaux s’effectuait à peu près dans le même temps ; mais la diligence ne partait que deux fois par semaine, et le voyageur, qui, dans les momens d’affluence, attendait souvent un mois que son tour d’inscription arrivât, payait 140 livres. Aujourd’hui, indépendamment de la multiplicité si commode des convois des chemins de fer, il ne faut que vingt heures environ pour faire le voyage de Paris à Bordeaux, et la dépense n’est en moyenne que de 48 fr. 55 c.

L’appréciation du prix de revient du transport des personnes par les voitures publiques de terre ou les bateaux à vapeur a été faite avec beaucoup de soin dans un ouvrage dû, dit-on, à l’auteur du Manuel du spéculateur à la Bourse[1]. Ce prix, pour la diligence

  1. Des Réformes à opérer dans l’exploitation des chemins de fer, etc. Paris 1855.