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de la propriété foncière de certaines entraves, soit pour donner plus de sécurité aux lettres de gage, en concédant à la nouvelle société dés privilèges en matière de poursuite immobilière. Ces modifications ont paru très graves à des hommes d’une haute expérience et d’un grand savoir ; elles ont été réclamées comme indispensables et jugées sans danger par tous ceux qui désiraient le développement des nouvelles institutions. On a même souvent répété que la réforme hypothécaire devait marcher parallèlement avec la création d’un système de crédit foncier, et l’on s’est plaint que l’une né procédât pas aussi vite que l’autre. Sans nous arrêter sur ces questions qui ne touchent pas directement à notre sujet, il nous a semblé préférable de nous étendre sur les modifications spécialement financières que le crédit foncier a subies, parce qu’elles ont eu la plus grande influence sur le développement de ses opérations.


II. — DES OPERATIONS DU CREDIT FONCIER.

Le crédit foncier avait deux sortes d’opérations à effectuer : emprunter d’une main, prêter de l’autre ; sous ce dernier rapport, la carrière était vaste. Se bornerait-il à satisfaire aux demandes annuelles de la propriété ? C’était en moyenne 500 millions, à en juger par les périodes précédentes, qu’il pouvait placer chaque année. Aspirerait-il à transformer la dette hypothécaire tout entière ? Ce n’était rien moins qu’une dette de 8 milliards exigible à courte échéance qu’il fallait changer en obligations remboursables dans le délai de cinquante années, et en admettant que la dette hypothécaire fût évaluée au double de sa valeur réelle, on voit encore quelle marge était laissée aux opérations du nouvel établissement. Par malheur, ce qui était possible d’un côté n’offrait pas la même facilité de l’autre. Pour la transformation de la dette hypothécaire, il semble qu’elle devait aller de soi. Il ne s’agissait que d’offrir aux créanciers, en échange d’un titre de négociation difficile et coûteuse, dont les intérêts se servaient irrégulièrement et dont le remboursement présentait de réels obstacles, un papier garanti sérieusement, capital et intérêts, transmissible sans frais, livrable de la main à la main. Or une telle opération ne devait rencontrer aucun obstacle et s’effectuer au contraire dans de larges proportions. Il n’en fut pas ainsi, et les mêmes causes qui ne permirent pas de satisfaire entièrement aux besoins annuels de la propriété retardèrent aussi la transformation de la dette hypothécaire. Ces causes étaient générales, et particulières ; la hausse des valeurs industrielles d’abord, et plus tard les événemens qui ont élevé l’intérêt de l’argent, détournèrent le capital du prêt immobilier, aussi tien que l’insuffisance des avantages concédés par le crédit foncier à ses prêteurs.