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un cours naturel, et les terres tomber dans les mains de gens qui en eussent mieux tiré parti. Sous ce rapport comme sous beaucoup d’autres, une liquidation pouvait devenir nécessaire, et ce serait déjà le lieu de remarquer que les nouvelles institutions de crédit ont obtenu sur ce point un résultat contraire aux espérances qu’elles avaient fait naître. En effet, les habitudes de prêt antérieures une fois changées, les sources où puisaient les propriétaires une fois taries, la propriété, faute de trouver dans les ressources du crédit foncier un aliment suffisant à ses besoins, a dû acquitter de gré ou de force des obligations qu’elle n’a pu renouveler, et loin de se libérer, elle s’est vendue pour passer en de meilleures mains.

À bien l’examiner, la propriété foncière, quoique la dette hypothécaire ne fût pas la seule charge qui la grevât, n’avait donc pas réellement besoin d’obtenir de nouveaux moyens de crédit, attendu que le crédit était loin de lui faire défaut. Cependant, si cette condition première de succès, une nécessité impérieuse, leur manquait, les nouvelles institutions ne présentaient-elles pas un autre caractère d’utilité ? Ne devaient-elles pas transformer la dette hypothécaire d’abord et l’éteindre ensuite, en diminuant le taux de l’intérêt et en rendant ainsi la libération plus facile ? La transformation de la dette hypothécaire était on ne peut plus désirable, si l’on admet que la mobilisation des titres représentant les valeurs immobilières soit nécessaire pour en assurer le crédit. Rien de plus difficile à négocier à coup sûr que nos anciens contrats d’hypothèque, et rien de plus utile, à ce point de vue, que de leur substituer des titres transmissibles sans frais, et par voie d’échange. Le rôle réservé aux nouveaux établissemens de crédit foncier était considérable sous ce rapport, mais il devait trouver une grande résistance dans les habitudes séculaires du pays, dans la disposition, particulière à chaque prêteur hypothécaire, de spécialiser pour ainsi dire sur une propriété connue et appréciée par lui le prêt qu’il consent. À cet égard, les résultats ont dû jusqu’ici témoigner de ces habitudes. Quant au dernier but qu’il s’agissait de poursuivre, à savoir : fournir à la propriété de l’argent à un taux inférieur à celui auquel elle empruntait d’abord, cela était désirable sans aucun doute et assurément possible ; mais ici on se trouvait en présence d’un grand problème à résoudre. Qui fournirait à la propriété l’argent dont elle avait besoin à des conditions meilleures que par le passé ? Qui le lui fournirait surtout de telle manière qu’elle pût tout à la fois servir des intérêts et amortir le capital non-seulement au même prix, mais encore à un prix moindre que le seul chiffre des intérêts précédemment payés ? On fut en ce moment dupe d’une illusion généreuse : on voulut fonder une sorte d’établissement charitable, revêtu d’un